Décidément la fin d'année est fructueuse en matière de cordes frottées électriques. A peine avons-nous digéré la baffe Kunita et -bientôt- la découverte Lafuente, ne voilà t-il pas qu'une autre gâterie pour nos cages à miel est en approche rapide de nos insatiables platines.
Rapide déjà, parce que l'Israëlien Oz Noy tricote prestement de superbes mélodies qui se paient en outre le luxe de se montrer entraînantes et entêtantes dès la première écoute.
C'est un fait suffisamment rare pour être relevé, surtout dans le jazz.
Car notre ami six-cordiste trace son chemin dans la note bleue et la belle dissonance. Et vas-y que ça swingue, beboppe, funke, bossa-novate et reggaete dans tous les sens. Il faut le dire, le jazz n'aurait probablement pas suffit à contenir tout le talent du gonze, il aurait été bien trop à l'étroit dans un courant pourtant vaste mais rigide par ses codes.
Certes, si la structure des morceaux reste très classique -thème/chorus/impro/thème, etc- Oz ne se gène pas pour imprégner le tout des multiples sources musicales qui nourrissent son art pour en faire une identité musicale forte, inspirée et instantanément identifiable.
En parlant d'influences penchons-nous sur les ingrédients de ses inspirations guitaristiques:
- Mettez un zeste de Jeff Beck pour la sobriété des mélodies et la justesse des soli.
- Ajoutez un 20 cl. de John Scofield pour le son organique, et la maîtrise de l'atonalité mélodieuse.
- Secouez le tout pour obtenir une pâte expérimentale et atmosphérique que n'aurait pas reniée Bill Frisell avec ses boucles de guitares hypnotiques.
- Incorporez un peu de sauvagerie à la Mike Landau puis saupoudrez de magie hendrixienne.
- Laissez mariner encore cinq ou dix ans et vous obtiendrez un guitariste et musicien (j'insiste!) qui va creuser un sillon non-négligeable dans l'hitoire de la guitare moderne.
Je le dis sans ambages, cet album est une petite merveille de jazz moderne. Il respecte les règles du genre tout en les brisant, en se nourrissant de rock, funk, bossa et de choses plus obscures et expérimentales. Si ce disque forme un tout sans défaut (si c'est possible puisque je vous le dis!), il n'en reste pas moins que quelques morceaux restent irrémédiablement imprimés dans nos esgourdes si difficiles à satisfaire : "Which Way Is Up?" et son riff incendiaire, le reggae déglingué de "Cosmic Background", la ballade "Three Wishes" avec son long solo de guitare/sitar acidifié au fuzz; n'oublions pas l'épileptique "Epistro Funk" et son intro bruitiste au riff funky à faire danser un mort ou encore le bien nommé et zeppelinien "Intensity" qui se transforme en cours de route en un bon gros blues bien épais.
L'écoute de cet album laisse pantois par la richesse du propos et l'inventivité constante tant au point de vue guitaristique que de l'approche rythmique des titres. Le groupe ne cesse de jouer avec les structures, les tempos et les styles tout en restant parfaitement audible, mélodique et musical. Un exploit dans un genre où le bavardage et l'autosatisfaction peuvent très vite prendre le pas sur la musique.
Je pourrais continuer sur des pages et des pages à vous chanter les louanges de ce petit bijou jubilatoire et débordant de feeling, mais je vais m'arrêter là. Achetez-le, écoutez-le et laissez-vous emporter...