Oyez, oyez, gentes dames et preux damoiseaux, le sieur Jordan Rudess - LE clavier de Dream Theater - est reparti en croisade. Sa quête présente est la réinterprétation d’immenses standards datant du début du progressif : Yes, Gentle Giant, Genesis, ELP, King Crimson ... rien que du lourd ! ... plus un petit ajout personnel (Piece of the Pi, léger à côté du reste ) .
Afin de rendre la performance encore plus spectaculaire, Jordan s’est entouré d’une dream team : Steven Wilson (Porcupine Tree) Neal Morse (Spock's Beard) Ed Wynne (Ozric Tentacles), Kip Winger (Winger), Rod Morgenstein (Winger), Bumblefoot (Guns'N'Roses), Marco Sfogli (JamesLaBrie), Nick D'Virgilio (Spock's Beard), Ricky Garcia (Lafee) ... waouh ! Nous sommes donc impatients de connaître de quelle façon cette écurie prestigieuse va nous retranscrire ces classiques.
Prenons au hasard - hasard je le reconnais dicté par le fait que ce morceau m’est le plus connu - la pièce maîtresse d’ELP “Tarkus”, qui clôt cet album. Si l'on peut chipoter sur le fait que le remplacement de l’orgue Hammond par des sonorités plus modernes n’apporte pas grand'chose au morceau et que le solo de guitare de “Stones of Years” est moins réussi que celui de Greg Lake, l’arrangement de Rudess est tout à fait dans l’esprit original (ce qui a été salué par Emerson lui-même), évidemment avec une production plus récente donc plus pointue. Un commentaire identique pourra être appliqué aux autres adaptations, c’est du boulot de pro très au point.
Jordan n’oublie pas ses années de conservatoire dans ses interprétations pianistiques de son “Medley” ( Supper’s Ready, I Talk to the Wind, And You and I ): on dirait du Rachmaninov ! Ca reste dans la démonstration technique, mais après tout, Emerson ne s’en est pas privé en son temps !
Qu’attendre en 2007 de cet exercice galvaudé de la reprise, même exécuté par une pléiade de superstars ? Essentiellement un hommage sincère et/ou fidèle. La restriction qu’on pourra apporter à cet exercice de ré-appropriation, c’est que deux démarches sont ici possibles : soit on ne touche pas du tout aux modèles originaux, soit on les réinvente totalement. Rudess reste quand même (sauf dans le “Piano Medley”) très proche des versions premières, ses ajouts sur les compositions n’apportent pas toujours un plus remarquable : la pièce de guitare insérée dans “Danse on a Volcano” est hors-sujet (par contre les claviers juste après sont excellents, retrouvant l’atmosphère fondamentale du morceau). De même, le solo de guitare, typé métal pour l’occasion, au milieu de “Sound Chaser”, est assez convenu. Il apparaît donc que l’auditeur ne doit pas s’attendre à des innovations sidérantes à l’écoute de cet album. Par contre il y retrouvera un plaisir d’écoute très présent, soulignant un fois de plus tout le génie des compositeurs d’origine. On peut donc, même si une certaine lassitude aux “tributes” est de mise, se laisser tenter par cet album très bien réalisé et interprété sans faille par des pointures du genre.