Si certains regrettent que le monde du jazz demeure si fermé, il faut bien avouer que certains grands noms d'une époque pas si ancienne que ça permettent de faire de splendides découvertes. Elton Dean, ancien pilier de Soft Machine pour ceux qui ont du mal à suivre, s'associe à des belges pour nous proposer une prestation live de grande qualité qui en assiéra plus d'un.
The Wrong Objects, puisqu'il s'agit des belges en question, est un groupe qui se fait plaisir en reprenant du Frank Zappa, ce qui donne tout de suite une idée de leur niveau, et en invitant ici l'un des saxophonistes les plus prestigieux qui soient.
Musicalement, la recette est on ne peut plus classique pour des jazz-men : on monte sur scène (il semblerait, à voir sa discographie, que The Wrong Objects ne considère pas l'exercice de l'enregistrement studio comme spécialement intéressant), on décide d'une set-list et c'est parti pour de longs chorus et de longues digressions harmoniques.
On est donc clairement dans l'exercice ultra-technique, instrumental et totalement désagréable pour des oreilles non averties. Les thèmes, déjà assez alambiqués et pas directement mémorisables, sont en plus un simple prétexte à des exercices dissonants et à des expérimentations sonores essentiellement axées sur le saxophone (logique !) et la trompette.
Comme si cela ne suffisait pas, c'est long... extrêmement long, même. Et l'on est donc dans une logique de quitte ou double : l'auditeur déjà peu sensible au style ne comprendra pas mieux avec cet objet l'intérêt de ce style musical et criera peut-être au scandale cacophonique. Au mieux, il s'autopersuadera que c'est définitivement trop hermétique pour lui. A l'inverse, le fan du style applaudira sans réserve l'un des derniers témoignages en live du grand Elton Dean (décédé en 2006) et la découverte d'un groupe trop injustement méconnu et peut-être même trop en retrait face au maître, même si l'on remarquera la guitare incisive et bien présente de "The Unbelievable Truth", morceau éponyme de l'album.
Si j'avais été beaucoup plus circonspect face à la sortie de l'album de son compère Hugh Hopper, The Stolen Hour, Elton Dean nous livre ici avec The Wrong Objects un album de toute beauté qui aura comme unique défaut de ne pas faire l'unanimité des fans de rock progressif, loin s'en faut.