Monster Magnet est ce qu’il convient d’appeler un groupe mythique. Originaire du New Jersey, cette formation s’est bâtie une solide réputation, plus sournoisement autour des frasques liées au «rock’n’roll way of life» de son fondateur Dave Wyndorf. Le charisme et la forte personnalité de ce leader incandescent en ont fait une sorte d’icône au panthéon de la déjante et des excès en tout genre. Mais cette course effrénée fut stoppée net en 2006, juste avant la tournée européenne de l’album «Monolithic Baby». Victime d’une nouvelle overdose médicamenteuse, Dave Wyndorf plongea son groupe dans un silence forcé. Cette période laissait présager un avenir sombre et incertain. Il aura donc fallu attendre cette fin d’année 2007 pour que Monster Magnet revienne sur le devant de la scène avec «4-Way Diablo».
Dave Wyndorf est décidément un homme qui ne se laisse pas abattre. Il entraîne son groupe, dorénavant en formule quartette, sur le chemin du studio d’enregistrement à peine sortie d’une convalescence nécessaire et néanmoins profitable. La production de ce dernier opus ne s’embarrasse pas d’artifices, réservant des sonorités brutes sorties directement des amplis. Ce climat apporte aux treize compositions de «4-Way Diablo» une forte impression de franchise dont ce groupe n’a jamais été avare. Plus chauffé en blanc que jamais, le quatuor déverse sans vergogne son rock dur à grands coups de décibels vengeurs.
Le titre d’ouverture s’engage sur ce terrain explosif où Ed «machine gun» Mundell, fidèle lieutenant de Dave Windorff, assène un solo enlevé et ravageur. La tension monte encore d’un cran avec «Wall Of Fire», véritable cri du cœur copieusement nourri de riffs ardents et de notes rageuses. «You’re Alive» se montre plus goguenard, en forme de clin d’œil à la dernière overdose du maître de cérémonie. Le bassiste insuffle à ce titre un groove que ne renierait pas Iggy Pop lui-même. Sous forme d’un mid-tempo , «Blow Your Mind» dynamite l’air ambiant avec ses riffs gras et cossus, malmenés par un solo bien senti d’Ed Mundell. «Cyclone» s’enchaîne dans une atmosphère lourde et oppressante dans laquelle résonne toute la verve vocale de Dave Windorff. La qualité et la précision des soli ne se dément pas tout au long de ce morceau. La reprise des Stones «2000 Light Years From Home» prend un bain de jouvence, interprétée dans une veine psychédélique tout droit sortie de l’ère «Acid Rock» où le LSD fondait sous la langue à la vitesse de la neige au soleil.
Toujours fidèle à cette inspiration jusque là relativement discrète, Monster Magnet s’imprègne de cette aura pour sculpter plusieurs titres, notamment l’instrumental «Freeze And Pixellate» dans lequel les sonorités claires et aériennes s’accordent à l’unisson. «I’m Calling You» reste fidèle à une tendance plus stoner, distillée ici sous forme d’une ballade lumineuse et pleine d’émotion. Tandis que «Solid Gold» et «No Vacation» renouent vers un rock plus direct et guttural où s’épanche la toujours bien causante guitare d’Ed Mundell. Le rythme tribal de «A Thousand Stars» imprime une couleur plus heavy transcendée par la voix toujours puissante de Dave Wyndorf. La mélodie et le riff tournent en boucle sans avoir pour effet une quelconque lassitude. C’est tout le génie de Monster Magnet qui transpire sur cette composition. La filiation avec les Stooges est frappante sur «Slap In The Face» qui repose sur un riff basique et efficace. La conclusion s’effectue à travers «Little Bag Of Gloom», petite piste teintée d’un esprit triste et solennel sur fond d'accordéon.
«4-Way Diablo» a tiré toutes ses cartouches et le canon encore fumant peut témoigner de la puissance de feu que peut déployer Monster Magnet. L’image d’un groupe moribond et au bord de la rupture n’est absolument plus de rigueur. Le quatuor endiablé a remis les pendules à l’heure et prouve qu’il ne craint personne lors qu’il empoigne ses instruments. Fidèle à son idéologie et ses profondes convictions, Dave Wyndorf assume pleinement ce retour en force, impeccablement épaulé par ses musiciens. Les modes et les courants ne semblent pas avoir d’emprise sur ce groupe renaissant et même la drogue n’a pas eu raison de son leader. Il ne reste plus qu’à se laisser happer par le magnétisme ambiant dégagé par ce monstre, qui emporte brillamment une nouvelle fois la partie.