Lana Lane ... J’avais fait connaissance de cette chanteuse à travers son interprétation aérienne de “2084” avec Ayreon (“The Universal Migrator”). J’étais donc impatient d’entendre ce que pouvait donner l’Américaine, livrée à elle-même. Avec “Red Planet Boulevard”, Lana Lane a resserré le line-up de son groupe en un quatuor, son compagnon Erik Norlander assurant la basse en plus de ses habituels claviers (et une partie de compositions). L’album entend rester dans une mouvance annoncée comme rock-symphonique, avec, je cite, “des murs de guitares, des paysages de claviers et des plaques tectoniques de basses et batteries”. Soit...
Commençons par les points positifs. “Red Planet Boulevard”, l’album, est un opus de métal à chanteuse impeccablement produit, et “Red Planet Boulevard”, le titre (celui qui clot l’album), est le seul morceau que l’on pourra qualifier de prog, car il reprend les thèmes de tous les morceaux précédents en les mixant (dans le désordre) en une seule pièce instrumentale assez bien fichue. Cet exercice de style rigolo ne sauve pas l’album, entaché de beaucoup trop de défauts hélas assez courants.
La plupart des morceaux, beaucoup plus dans un esprit AOR que progressif symphonique, sont alourdis d’une rythmique lourde masquant l’indigence du propos mélodique. ‘Save the World’ est ici la caricature de ce défaut, avec sa ligne rythmique de base noire-noire-noire-noire linéaire pendant 6 minutes ! Bien des soli (‘Capture the Sun’, ‘Jessica’, ‘Save the World’) sont beaucoup trop prévisibles pour susciter l’attention. Même remarque sur les thèmes musicaux principaux, apportant une impression de déjà-entendu (‘Shine’ et ‘No Tears Left’ ont un petit arrière-goût de Fleetwood Mac, pas désagréable mais pas du tout nouveau). Ajoutons que le compositeur a préféré agir sur le curseur de volume (fading out) plutôt que de doter la plupart des morceaux d’une fin écrite, ce qui a le don de m’agacer prodigieusement (chacun ses marottes !). Dans ce paysage un peu désert, pour reprendre la comparaison du début, surnagent quand même quelques titres sympatiques, diffusables sur la FM (‘Into the Fire’, ‘Stepford USA’) et un atmosphérique avec plus d’ampleur, ‘the Sheltering Sorrow’.
Et Lana Lane dans tout cela, me direz-vous ? Simple : comme elle chante sans beaucoup de nuances, souvent en force (avec des aiguës assez désagréables), elle n’arrive pas à insuffler une âme à des compositions qui en auraient pourtant besoin. A trop vouloir baser l’ambiance des morceaux sur une rythmique lourde, le risque est de donner envie à l’auditeur d’enlever mentalement cette rythmique qui empèse considérablement le propos au lieu de l’enrichir, pour découvrir ce qui se cache derrière cette “tectonique de basse et de percussions” : un mol désert de compositions sans relief, et point de riches paysages que voudrait parcourir l’amateur de musique évoluée... A réserver aux fans qui préfèrent la forme (pas très originale) au fond.