Alors que "Lipservice" marquait la volonté de Gotthard de revenir à un hard FM plus musclé, le nouveau venu vient enfoncer le clou. Il confirme ainsi que l’arrivée de Freddy Scherer et le passage chez Nuclear Blast ont redonné le goût du riff métallique à nos amis suisses, sans pour autant leur enlever leur incontournable sens de la mélodie.
"Domino Effect" n’est pourtant pas aussi facile d’accès que la plupart de ses prédécesseurs, même si certains refrains s’installent rapidement dans la mémoire. L’ambiance est plus sombre, plus sérieuse, sans pour autant tomber dans l’ennui ou la déprime. Le groupe semble atteindre sa maturité tel un grand vin et maîtrise désormais l’ensemble de sa musique, le guitariste Léo Léoni endossant également le rôle de producteur.
Gotthard a donc délaissé l’Aor pour redevenir un groupe de hard-rock à part entière, même si les ballades font toujours partie de son identité. Elles sont 5 à prendre place sur cet album, soit le 1/3 des morceaux. Nous sommes pourtant loin de la mièvrerie et Steve Lee nous ensorcelle avec sa voix magique, comme sur 'Falling' dans lequel violon et piano viennent se poser avec délicatesse sur un roulement de tambour aux allures militaires, avant une montée en puissance gorgée d’émotion. Le mid-tempo 'The Call' ou le semi-acoustique 'Tomorrow's Just Begun' évoluent dans un registre assez bonjovien, alors que 'Where Is Love When It’s Gone' nous enveloppe avec un nappage d’accordéon. Enfin, Lee module merveilleusement sa voix sur 'Letter To A Friend' qui démarre dans un style légèrement country où le timbre se fait éraillé avant une montée en intensité déchirante.
Au delà de ces ballades, "Domino Effect" est avant tout un album de hard-rock d’une efficacité redoutable. Dès les premières secondes, l’instantané 'Master Of Illusion'au refrain efficace, 'Gone Too Far' avec son riff à la Kamelot, et 'Domino Effect' et son atmosphère sombre et envoûtante, plantent le décor. Gotthard est au sommet de sa forme et ne laissera aucune baisse de régime entacher sa performance. Portés par une rythmique sans faiblesse, ni superflus, les titres s’enchaînent avec une efficacité redoutable. 'The Oscar Goes To…' est probablement le titre le moins sombre et n’est pas sans rappeler les hits du précédent album ('Anytime Anywhere' ou 'Lift U Up'), ce qui n’enlève rien à sa qualité. 'The Cuiser (Judgement Day)' démontre le sens de l’accroche imparable dont Léoni & Co. sont coutumiers, alors que 'Heal Me' démarre sur un riff à la 'Ballbreaker' d’AC/DC sur fond de basse ronronnante.
L’enchaînement 'Come Alive' - 'Bad To The Bone' est peut-être le passage le plus surprenant de l’album, le premier de part ses relents fusion et le second où Steve Lee nous sert une prestation digne de David Coverdale sur fond de solo à la talk-box et riffs puissants dignes du grand serpent blanc. Enfin le sombre et dynamique 'Now' où la basse est à nouveau mise en valeur, et le très rock’n’roll 'Can’t Be The Real Thing' au riff digne de 'La Grange' des trois barbus texans viennent compléter ces 15 titres. Une petite question se pose cependant : étant donné la présence importante et stratégique des claviers tout au long de cet album, pourquoi ne pas faire de Nicolo Fragile, un membre à part entière du groupe, d’autant que sa prestation est d’une qualité rare ?
Varié et profond, "Domino Effect" est donc armé pour devenir un classique du hard-rock et s’impose sans contestation possible comme une des meilleures sorties de l’année 2007. Les 5 Suisses ont donc placé la barre très haute et ils vont devoir maintenant faire preuve de tout leur talent et de leur nouvelle maturité pour réussir à se maintenir à un tel niveau.