Pour réaliser l’importance de ce album live, il est nécessaire de le replacer dans son contexte. En effet, nous sommes en 1982 et l’Europe est scindée en deux parties. A l’Est, elle est sous domination soviétique alors que l’Ouest, reste démocratique. Berlin est le triste symbole de cette scission, la ville étant coupée en deux par un mur de béton interdisant toute communication entre les secteurs russes et occidentaux. C’est à quelques mètres de ce mur que Barclay James Harvest, porte-drapeau du pacifisme, décide d’offrir un concert gratuit devant le Bundestag, et ce ne sont pas moins de 175.000 personnes qui vont répondre à cette invitation.
C’est ce nombre impressionnant de spectateurs qui va être à l’origine d’une des rares critiques à l’égard de cet album légendaire. En effet, quel dommage d’avoir mis le public autant en retrait au niveau du mix. Ses réactions sont lointaines et à peine audibles alors qu’il aurait été probablement très émouvant de les sentir de façon plus intense. Pourtant, de l’émotion, il devait y en avoir lorsque le groupe ouvrit son show par la merveilleuse ballade 'Berlin' interprétée par la douce et chaude voix de Les Halroyd. Et comment ne pas imaginer les regards embrumés de certains lorsque John Lees chantait les nombreux et célèbres "We Are Love" du bien nommé 'In Memory Of The Martyrs' ou bien en entendant les paroles de 'Child Of The Universe' ?
Il serait d’ailleurs intéressant de savoir ce qu’on pu ressentir les soldats soviétiques en faction de l’autre côté du mur en entendant ces morceaux chargés de paix et d’amour universel. Car si neuf titres peuvent paraître insuffisants pour retranscrire un tel évènement, le choix de ces titres est cependant particulièrement bien senti. En effet, aux morceaux précédemment cités, vous pouvez rajouter 'Loving Is Easy', 'Life Is For Living' ou 'Hymn' qui n’est rien de moins que le morceau phare de Barclay James Harvest (BJH pour les intimes que vous allez devenir) et qui raconte l’histoire de Jésus prônant l’amour sur terre. Si avec tout cela, le message n’est pas clair, c’est à n’y plus rien comprendre !
L’interprétation, quant à elle, est à la hauteur de l’intensité du moment. Propulsés par le jeu sautillant et dynamique de Mel Pritchard (RIP) et épaulés par les claviers de Kevin Mc Alea et Colin Browne, John Lees et Les Halroyd proposent une prestation sans faille et gorgée d’émotion. Si Halroyd est plus en retenue de part la douceur de son chant, Lees se laisse régulièrement submerger et harangue plus volontiers la foule pour l’encourager à partager ces sentiments intenses. D’un point de vue instrumental, il nous gratifie également de quelques soli gorgés de feeling dont nombre d’interprètes actuels tels que Steven Rothery (Marillion) ou Nick Barrett (Pendragon) ont dû s’imprégner dans leurs jeunes années. Difficile de ne pas avoir la chair de poule à l’écoute de ses interventions sur l’émouvant 'Nova Lepidoptera'. Le jeu de basse de Halroyd est quant à lui, un exemple d’équilibre, à la fois sobre et technique, discret et présent. Enfin, la complémentarité des chants des deux frontmen est un véritable exemple à citer. Si chacun est l’interprète des morceaux qu’il a principalement écrit, ces deux voix se marient chaque fois pour créer une harmonie rare lorsque les refrains le nécessitent.
Il s’agit donc bien ici d’un live incontournable, car il n’est pas si courant que des artistes soient capables de se montrer à la hauteur de l’événement auquel ils participent et aillent même jusqu’à lui donner une envergure supplémentaire de part la qualité de leur prestation. Et c’est exactement ce que BJH réussit dans le cas présent et nous ne pouvons que les en remercier de tout notre cœur.