Pour ceux qui en doutaient encore, il faut rétablir une vérité absolue : le chroniqueur n’est pas omniscient ! Et comme il ne peut pas tout connaître sur tous les groupes il doit se renseigner, effectuer un travail de journaliste en somme. Et bien qu’il soit à l’affût de ce que le genre humain est capable de composer comme musique il lui arrive de passer à côté d’un groupe talentueux. C’est ainsi que votre serviteur va rétablir une injustice avec le groupe Itis qui sort en ce début d’année le dénommé Exit 420.
Comme tout bon chroniqueur faillible que je suis, il m’a fallu investiguer sur ce groupe car jusqu’à peu il m’était complètement inconnu. Et la meilleure manière d’aborder un groupe c’est (merci la technologie) de visiter le site Internet du groupe en question. Et là stupeur ! La discographie annonçait et détaillait les dix albums précédant l’objet de notre chronique. Ce groupe n’est donc pas né de la dernière pluie et il nous aura fallu attendre le onzième pour s’y intéresser. Quand un groupe est « mauvais » peu importe une telle impasse mais quand il est bourré de talent on se sent quelque peu frustré. Et c’est le cas avec Itis, dont l’album Exit 420 nous balance une jolie baffe dans les gencives dès les premières écoutes. Les 17 titres du CD nous collent une pêche d’enfer avec une musique joviale et précise dans un style rock, parfois pop, mélodique dont le fer de lance pourrait être le groupe des déjantés de Freak Kitchen.
Itis, c’est quatre musicien américains basés dans le Colorado un peu fous. La versatilité de chacun leur permet d’assouvir leur très large inspiration avec crédibilité. Sans vous détailler tous les titres, Itis passe en revue le reggae ( avec un morceau dont le titre donne tout de suite l’ambiance « Hey Mom , I Smoke Pot »), le heavy avec des riffs bien lourd dans le genre Galactic Cowboys (« You Did It Again ») ou le King’s X de Dogman (« One Hit Wonder »), la fusion moderne de Freak Kitchen («Somebody I’m Not ») ou Gnô (« I’m In Trouble ») et le rap West Coast boosté aux grosses guitares (« Azz Go Boom »). Mais tous les morceaux possèdent leur propre originalité de telle sorte que les influences sont bien présentes sans étouffer la signature du groupe. Ce cocktail est extrêmement bien dosé et l’album recèle un nombre impressionnant de pépites aux mélodies et aux refrains immédiats (le très funky « Powder » ou « Under The Table »). L’humour semble être la pierre angulaire de chaque chanson d’Itis, autant dans les textes que dans les harmonies et en cela les américains font clairement penser à un certain Paul Gilbert dans ses albums solos. Les titres : «Part of Something », « Exit 420 » ou « Wasting Together » auraient pu apparaître sans difficulté dans un album du géant blond.
Si la relative concision des morceaux (entre 3 et 4 minutes) et l’ambiance très rafraîchissante peut laisser croire à une certaine indolence chez les musiciens, il n’en est rien. Au contraire c’est parce que les musiciens de Itis sont excellents et assidus que le rendu paraît aussi limpide. Il n’y a qu’à entendre l’énorme basse ronfler tout au long du disque et le travail au millimètre du batteur pour s’en convaincre. Le guitariste, quant à lui, est tout simplement monstrueux. Car il ne faut pas oublier que derrière chaque groupe référencés au début de cette chronique il y a un guitariste virtuose qui se cache : Paul Gilbert et Mattias "IA" Eklundh pour ne citer que ces deux là. Craig Soderberg est un technicien hors-pair, créant des soli d’une inspiration étonnante sans jamais tomber dans la démonstration stérile (« One Hit Wonder », celui de « Powder » très Eklundhien ou celui de « Epic No More » très Ron Thalien…). L’association de ces trois musiciens fonctionne donc à merveille et nous donne toute l’étendue de son talent lors de courtes séquences instrumentales très dynamiques (« In God We Trust » ou les fins de « Somebody I’m Not » et « Part of Something » par exemple). Toute cette cohérence mélodique et rythmique est parfaitement chapeautée par Mark Alan Rodio qui assure un chant très juste avec un large spectre d’intonation. La voix de Mark a quelque chose de commun avec deux chanteurs ayant fait leur preuve, Glenn Hughes et Stevie Salas pour ne pas les citer, qui la rend très agréable à l’écoute. Le travail des voix sur certains refrains est assez bien réussi, comme sur le très grunge « Did It Again » ou sur « What I’m Doing ».
Sans les trois petits titres un peu plus faibles (« Epic No More », « In God We Trust » et « Jerkin Off »), ce Exit 420 serait une réussite totale. Il reste néanmoins une très belle découverte. Itis a réussi le pari de sortir un album très énergique et très homogène, avec peu de temps mort du fait de la faible quantité de ballade (en réalité deux, dont une assez enlevée). Mais quand on entend « Thoughts » on regrette presque qu’il n’y ait pas plus de ballade tant cette chanson est magnifique (avec un solo d’anthologie).
Quand on sait qu’Itis écume les clubs des USA depuis 1994, date de la formation du groupe, et qu’il donne environ 200 concerts par an, on ne peut que leur souhaiter une reconnaissance qui dépasserait les frontières de la seule Amérique. Prenez le maximum de plaisir avec Exit 420 et sachez qu’il faudra compter avec Itis dorénavant. En attendant, le chroniqueur, toujours à la recherche de la perfectibilité, a dix albums de retard à combler...