Musea réédite en ce moment la discographie d'un groupe oublié mais autrefois un peu connu. Edition Spéciale en assez typique du groupe de prog' français des années 70, avec les qualités et les défauts que cela invoque. A mi-chemin entre Ange et Magma.
Soyons plus clair. "Allée des Tilleuls" est un album bourré de qualités. Ann Balester joue à merveille de tous les claviers possibles, avec des accents jazz superbes et des sons purement authentique comme on en trouve malheureusement plus. Les trois autres musiciens savent créer le groove, cet insaisissable mouvement du corps, né de basse et de batterie, que les artistes seventies savaient si bien provoquer. La section rythmique de Edition Spéciale est tout bonnement géniale, née en droite ligne des prestigieux groupes de jazz-fusion comme Weather Report. Dans l'ensemble, les accents grooves et jazz de ce groupe en font un royal alter ego français des grandes oeuvres américaines à la Chick Corea ou Return to forever.
Mais alors, qu'est-ce qui fait que "Allée des Tilleuls" sonne trois fois plus vieux que les disques américains ? A croire que la production française avait en 1976 des années de retard. La vérité est qu'à l'époque, tout le monde pardonnait certaines faiblesses qui aujourd'hui nous paraissent trop flagrantes. La naïveté excessive des paroles par exemple. Ou encore l'utilisation d'harmonies vocales un peu faciles et d'arrangements un rien téléphoné. Allez savoir pourquoi, nos compatriotes pêchaient toujours par manque de soins quand il s'agissait de peaufiner un disque.
Enfin, "Allée des Tilleuls" est un disque très valable. Pour qui aime la fibre jazz du rock progressif (et trop nombreux sont ceux qui oublient aujourd'hui tout ce que ce mouvement doit au jazz !), et qui n'a pas peur d'un côté un peu désuet dans la sonorité, Edition Spéciale offrira des ambiances patchouli colorées franchement bienvenues. En revanche, métaleux s'abstenir.