Il n’y a rien de plus exaspérant lorsque l’on est chroniqueur et que l’on apprécie particulièrement un groupe, que de se retrouver à en découvrir un nouvel album dont on ignorait l’existence. Voilà exactement le sentiment que votre serviteur a eu en écoutant cet album des Black Crowes ! Comment ça ce ne sont pas les Black Crowes ? Mais si, bien sûr ! Certes la voix est un peu plus grave, mais la dynamique, les structures, les ambiances, les nappages d’orgue Hammond… Ecoutez-bien, ce sont les Black Crowes !
Mettons un terme à cette plaisanterie d’un goût légèrement douteux pour nous pencher sur le cas de cet album de Snowblynd qui sort 12 ans après la création de ce combo en provenance de Colombus, Ohio. Alors que le southern blues rock traverse une période de flottement entre les groupes historiques qui s’essoufflent plus ou moins légèrement (Lynyrd Skynyrd, Molly Hatchet, ZZ Top…), ceux dont le come-back s’éternise un peu (Black Crowes, Point Blank…) et ceux qui s’égarent carrément après une carrière exemplaire (Gov’t Mule avec son dernier album de… reggae !), une nouvelle génération semble pointer le bout du nez avec les surprenants bordelais de General Store et ce sextet aux origines plus en phase avec le style. Malheureusement pour ces derniers, là où General Store a parfaitement digéré ses multiples et légendaires influences, Snowblynd voit l’ombre du combo des frères Robinson planer sur la quasi-intégralité de son œuvre au point d’en assombrir un ensemble pourtant bigrement bien interprété et produit.
Dommage car tout commence bien avec « Blood, Guts & Gasoline » et « Dirty Water », titres dynamiques et entraînants où le southern-blues-rock de Snowblynd se retrouve matiné de Hard US à la Aerosmith. Mais dès la ballade bluesy mid-tempo de « Carry On », la silhouette d’un corbeau noir commence à apparaître de façon évidente. Impossible alors d’y échapper, et ceci jusqu’à la ballade acoustique « She Delivered » qui vient clôturer l’album. Alors attention, il ne s’agit pas d’un mauvais album, bien au contraire, d’autant que l’attente provoquée par l’absence prolongée de nouvel album du gang des Robinson brothers s’en retrouve agréablement comblée.
Tout est parfaitement interprété et la voix chaude et éraillée de Brad Williams vient étoffer une excellente prestation sans faille. Aucun morceau n’est à dénigrer et certains sont même particulièrement délectables, tels le très rock’n’roll « Dirty Water », le syncopé « Lust’n’Liquor » ou l’excellent « Little Miss Misery » aux variations d’ambiances toutes en émotions maîtrisées.
Difficile donc de donner un avis franchement négatif sur cet album plein de qualités, de sensibilité et d’émotion et qui risque tourner encore quelque temps sur ma platine. Dommage pourtant que l’influence principale ne soit pas mieux digérée surtout après tant d’années d’existence. Croisons les doigts pour que ce défaut soit rapidement effacé sur les prochaines productions de ce groupe si talentueux, pour lui permettre de prendre toute l’envergure qu’il mérite.