Il y a longtemps qu’un nouvel album d’Ayreon n’est plus un évènement passant inaperçu et ce « 01011001 » ne dérogera pas à la règle. Tout d’abord pas moins de trois éditions seront proposées par le label InsideOut à l’éventuel acheteur qui n’aura ainsi que l’embarras du choix : une version classique, une édition spéciale contenant un DVD bonus et enfin une version « Deluxe » de grande classe de type « Book » ayant en plus du DVD un booklet de 36 pages – avis aux collectionneurs. Ensuite, vous aurez affaire au format désormais classique du double-CD gorgé à ras-bord de musique. Et surtout la liste des invités - qui ne sont pas venus faire de la figuration - conviés à chanter et à jouer de leur instrument pourra une fois encore impressionner de par ses noms prestigieux. Auriez-vous seulement songé que l’on pouvait réunir sur le même projet Anneke Van Giersbergen (ex The Gathering), Simone Simons (Epica), Floor Jansen (After Forever), Jorn Lande (Ark), Tom Englund (Evergrey), Hansi Kursh (Blind Guardian), Daniel Gildenlow (POS), Steve Lee (Gotthard) pour ne citer que les plus connus ? Une question vient alors assez rapidement à l’esprit : le projet Ayreon serait-il devenu synonyme de démesure ?
Bien souvent à trop vouloir en faire, le risque de se perdre est grand. Et même si Lucassen n’en est pas à son premier essai, ce foisonnement de voix aurait très bien pu transformer son œuvre musicale en une sorte de « Battle-Voice » sans réel intérêt. Heureusement, il n’en est rien. Les dialogues sont certes intenses mais aucun interprète ne tire la couverture vers lui. Qui plus est, le mélange des chants provenant de cultures rock et métal différentes est une véritable réussite. Savoir que chaque interprète a enregistré sa partie seul dans le studio de Lucassen et avoir cette impression d’osmose et d’unité entre les différents protagonistes est tout simplement bluffant.
Mais avant de poursuivre, revenons un instant sur le concept de cet album et surtout sur ce titre intriguant fait de 0 et de 1. Pour ceux qui n’auraient pas encore eu le courage de se renseigner, la série de chiffres formant le titre de l’album est le code binaire de la lettre « Y » et ce nouvel opus s’inscrit dans la continuité de « Into The Electric Castle ». Pour ce qui est de l’histoire et des nombreuses interrogations concernant la réalisation de ce nouvel opus je vous renvoie à la superbe interview réalisée par Struck dans laquelle vous en apprendrez beaucoup plus sur le géniteur de ce projet et sur ce mystérieux peuple « Y »…
Si l’inspiration au niveau du scénario n’est pas une franche révolution, il en va de même pour la musique. Le démarrage se veut très « ayreonnien » avec une intro très « industrielle » et toujours ces fameuses sonorités synthétiques spatiales. Le titre prend de la vitesse et une sensation de lourdeur omniprésente s’installe, dû notamment à une superposition outrancière de sonorités et d’instrumentations. Un peu de repos en milieu de morceau avec une guitare acoustique et une partie plus mélancolique, un refrain chanté par une voix masculine puis à l’identique par une voix féminine – très bonne idée - et c’est le retour au thème principal.
L’univers d’Ayreon se situe toujours dans un métal progressif à tendance rock avec quelques intonations folk (« River Of Time »). Les changements de rythmes, de phrasés sont légions assurant ainsi une bonne durée de vie à l’ensemble. Paradoxalement le point fort de Lucassen vient de sa capacité à proposer des couplets très vivants et le point faible vient des refrains avec des chœurs féminins qui deviennent très vite redondants, tout particulièrement pour celui qui suit la carrière de Lucassen depuis ses débuts. Il est d’ailleurs nécessaire de souligner le grand nombre de réminiscences à tout ce qu’il a déjà pu faire et certains passages renverront immanquablement à tel ou tel titre d’un album déjà sorti.
Le second titre est assez remarquable car il se détache de ce que peut faire généralement Lucassen. Sur un rythme électro et dans une atmosphère très sombre, la belle (Anneke Van Giersbergen) et la bête (Jorn Lande) débattent, l’une fataliste et résignée, tentant de présenter l’aspect positif de ne pas avoir de sentiments, l’autre pensant au contraire que la vie n’a pas d’intérêt sans ces sensations. Très peu de fioritures, une ambiance dépouillée mais un impact émotionnel très fort…
La quasi-totalité des morceaux qui suivent se révèlent très caractéristiques du monde d’Ayreon. Citons « Ride The Comet » qui finit dans une explosion de voix jouissive et, coté bizarreries, un pâle « Connect The Dots » très variétoche aussi bien dans son développement que dans son chant. Aucune différence n’est à souligner entre les deux CD. Earth est dans la continuité de Y. « Waking Dreams » ressort du lot par – enfin - son solo clavier/guitare en fin de titre.
Le précédent album « Human Equation » m’avait laissé sur un sentiment mitigé dû à deux défauts principaux : d’une part un renouvellement peu évident et d’autre part certaines constructions mélodiques, notamment au niveau des refrains, qui n’étaient pas aussi accrocheuses qu’elles avaient pu l’être sur « The Dream Sequencer ». Si ces deux défauts, à mes yeux, n’ont pas été gommés, il s’avère que le contenu de ce nouvel opus est tout de même plus réjouissant. Pour tout amateur de chants, chœurs et dialogues (liquid Eternity), ce « 01011001 » est incontournable. Il est juste un peu dommage que les soli ne se comptent que sur les doigts d’une main. Il est certain que le travail fourni pour réaliser un album dans ces conditions est extraordinaire et le résultat pour le néophyte ne pourra qu’être à la hauteur de ses espérances. Pour le connaisseur, le fait de retrouver des ambiances et des sonorités, des mélodies même - surtout au niveau des chœurs - déjà maintes fois entendues ne manquera pas de décevoir un tantinet… Mais un album d’Ayreon reste définitivement une valeur sure…