2006, le quintette helvétique Cosmos sort son troisième album après 10 d’existence sans changement de line-up. Leur premier album laissait entrevoir un potentiel intéressant, qu’en est-il de ce “Skygarden”, paru sous les auspices de la maturité ?
Disons-le d’emblée: les progrès réalisés sur ce CD font réellement plaisir à entendre ! On sent Cosmos plus à l’aise dans tous les secteurs, renforçant ses points forts comme l’utilisation des choeurs ou les clins d’œil Floydiens, améliorant les secteurs déficients auparavant (quelle belle évolution par exemple sur le travail de batterie ! ), et commençant à donner une réelle ampleur aux compositions. De plus, il est preceptible que les musiciens prennent plaisir à jouer, en variant les effets sonores, et cette connivence se transmet à l’auditeur.
Le style est toujours néo-progressif avec de très nets accents Pink Floyd, encore plus évidents que précédemment : l’intro est une émanation de Shine On ... et sur le deuxième titre, on a l’illusion d’entendre le timbre de David Gilmour au chant ! The Final Path bénéficie quant à lui d’une voix féminine faisant penser à The Great Gig in the Sky, le chef d’œuvre de Wright. Pourtant il serait très limitant de dire que Cosmos ne fait que du plagiat des Floyd. Ils insufflent un côté bien à eux, notamment sur les solos de claviers (excellent lancement sur Then Just Call Me, par exemple). Le groupe tente même - et réussit - une incursion dans l’atmosphérique : l’élégante simplicité de Father (claviers oniriques sur une simple guitare sèche) en est un parfait exemple.
La section rythmique fait preuve d’une bonne inventivité : la batterie se démarque du jeu conventionnel “à la Mason” pour chercher des soutiens originaux (Then Just Call Me, Where Thanks are Rolling Today), et la basse s’autorise des rythmiques sympa (In the Dark of the Night). A noter un soin tout particulier apporté dans l’équilibre des instruments : ni le clavier ni la guitare ne se volent la vedette (écoutez le final très aérien de Moments, bien planant et prenant ...). Pas de gros sons contrastés ni de nouveautés fracassantes dans les timbres, simplement la juste mesure.
Il faut également souligner l’excellent travail des chanteurs, la présence de trois vocalistes autorisant des combinaisons intéressantes : Electronical Revival, Tell Me peuvent être cités, mais quasiment l’ensemble des morceaux appelle des éloges quant aux vocaux.
Vous l'aurez compris, cet album donne beaucoup de satisfactions. Et quand on aime bien, il est possible de se permettre quelques critiques pour chipoter un peu, parce que tout porte à croire que Cosmos a le potentiel pour nous sortir un grand album de néo-progressif :
- L’excellence du travail instrumental mis en place suggère qu’il pourrait manquer des plages de vrai dialogue guitares - claviers. Les deux pupitres se complètent ici très bien, mais seraient mis en valeur si le groupe les confrontaient plus.
- Il est dommage que pour cet album la chanteuse féminine (Silvia Thierstein, excellente dans The Final Path et Tell Me) soit “confinée” dans un travail de choriste. Là également, un dialogue à plusieurs voix serait enrichissant sur le plan de l’émotion (cf Ayreon ou Nolan/Wakeman).
- La remarquable évolution sur le plan des compositions laisse penser qu’avec un peu plus d’ambition dans l’écriture, Cosmos a encore une marge de progression pour nous envoyer vers le sixième ciel (le septième étant réservé, comme chacun sait, à des émotions plus privées). Eclipse of the Sun est par exemple un morceau achevé, mais dans Then Call Me, on attend presque un solo de guitare après le solo de synthé pour parachever l’édifice ...
Ces points ne gâchent en rien le plaisir d’écoute éprouvé à l’audition de “Skygarden”. Ne manquez pas de découvrir ce petit bijou para-Floydien. Habituellement les décalques des grands groupes sont souvent critiquables, mais ici peu importe de penser que ces Helvètes sont sous perfusion de soluté Pink concentré, tant le résultat fait chaud aux oreilles !