Après 2 albums oeuvrant clairement dans un style glam-rock aux sonorités épurées et aux mélodies facilement mémorisables, Poison décide de changer sérieusement la donne avec ce qui restera comme son album référence : « Flesh & Blood ». Pour cela, l’enregistrement se fait aux Little Mountain Studios de Vancouver sous la houlette de Bruce Fairbairn, connu pour son travail auprès de groupes établis tels qu’Aerosmith, AC/DC, Bon Jovi, Krokus ou Honeymoon Suite. Il en résulte un son bien plus étoffé et puissant que sur les précédents opus de nos californiens. Autre changement de taille : le look outrageusement glam est mis de côté au profit d’un style plus Hard-Rock bien qu’encore très coloré. La pochette vient confirmer ce revirement en représentant le logo du groupe et le titre de l’album fraîchement tatoués sur le bras du batteur Rikki Rockett.
Mais le résultat le plus important de tous ces changement se retrouve au niveau musical. Tout en restant reconnaissable, le style Poison prend une dimension largement supérieure. Le Glam / Hard Rock du groupe s’étoffe et gagne en sophistication alors que les paroles gagnent en profondeur. Bien sûr, le côté « party-band » n’est pas complètement occulté, que cela soit sur l’hymne « (Flesh & Blood) Sacrifice » et son riff en staccato, le hit au titre intraduisible « Unskinny Bop » ou l’ode aux bikers « Ride the Wind », mais le sujet devient plus grave sur l’autre méga-hit qu’est la ballade « Something To Believe In » qui traite de la mort d’un ancien roadie, ancien du Vietnam, et de la désillusion qui en découle.
L’évolution est également perceptible au travers du jeu de CC DeVille qui multiplie les solis bien sentis, qu’ils soient rapides (« Ball & Chain ») ou gorgés d’émotion (« Something To Believe In »), voir les deux sur le même morceaux (« Poor Boy Blues ») et qui atteint son paroxysme sur le cours instrumental « Swampjuice (Soul-O ) ». La basse de Bobby Dall se fait plus présente pour porter chaque titre vers les sommets en en assurant les fondations en compagnie du jeu toujours aussi dynamique de Rikki Rockett. Enfin, Bret Michaels ne se contente pas de muscler son physique pour faire oublier son look hyper efféminé des débuts. Il muscle également son répertoire en variant les registres pour transmettre l’émotion ou la bonne humeur selon les besoins des titres.
Ce ne sont pas moins de 5 tubes qui sortiront de cet album, à savoir « Unskinny Bop », « Something To Believe In », « Ride The Wind », « Life Goes On » et « (Flesh & Blood) Sacrifice ». Certains membres du groupe auront d’ailleurs du mal à gérer un tel succès et, alors que CC DeVille devra en passer par quelques cures de désintoxication, Poison perdra un peu de sa nouvelle dimension en cherchant à renouveler un album équivalent et en usant quelques guitaristes de renom (Richie Kotzen, Blues Saraceno) en attendant le retour de l’enfant prodigue. Il reste cependant l’heureux géniteur d’un album référence dans ce style, dont peu d’autres groupes réussiront à atteindre le niveau.