Lorsqu'il est question de débattre sur le post-hardcore, tout de suite vient à l'esprit l'écrasante suprématie du triptyque estampillé Cult of NeurIsis, chacun des trois injectant sa dose personnelle de riffs et d'éraillements depuis parfois de nombreuses années. Désormais, il faudra compter, non pour bousculer sinon accompagner les grands du genre, sur les français de Dirge. Pourtant présent sur la scène métal depuis leur premier opus datant de 1998, 'Wings Of Lead Over Dormant Seas' marque là la consécration du groupe notamment au niveau médiatique.
De ce dernier album se dégage d'emblée une lourdeur, une obscure profondeur, l'impression d'une bête se traînant, alourdie par sa propre masse. Dirge lorgne manifestement vers un doom elliptique ("Meridians", "Epicentre", "Lotus Continent") dont les coups de semonces des guitares empêchent les tentatives d'envol des autres guitares, plus psychédéliques et des divers samples ou effets sonores d'ailleurs bien choisis. Lentement, ces trois longs titres se déploient sans véritables crescendos préférant s'exprimer sur la longueur pour mieux propager leurs messages.
Et ce n'est pas le chant velléitaire de Marc T qui viendra alléger la chape de plomb infligée à nos oreilles. Ne se manifestant que de manière clairsemée, Marc T est aussi un atout non négligeable, assurant avec conviction le devant de la scène par ses virulentes apparitions.
Excepté "End, Infinite", court épisode de post-rock instrumental ne dépassant pas les trois minutes, l'album se termine étrangement, aux antipodes de la trame suivie jusque là, par un mélange mélodique fait d'ambiant et de post-rock. S'il dénote assurément par rapport au reste, "Nulle Part" n'en reste pas moins précieux et constitue un bienséant répit final.
En l'espace d'une heure, 'Wings Of Lead Over Dormant Seas' s'étire de tout son poids, dégageant une singulière noirceur pourtant par forcément inconnue, d'une éclatante nouveauté mais qui permet à Dirge d'atteindre en tant qu'outsider le niveau de ses acolytes de premier rang.