Un peu plus de 2 années après le phénoménal A Place in the Queue, qui a installé le groupe dans le peloton de tête des acteurs du rock progressif à l'ancienne, The Tangent nous revient avec son nouvel effort, Not as Good as the Book. Après un tel succès (si ce n'est commercial, au moins artistique), la question qui pourrait affleurer sous la plume de tout chroniqueur serait : alors, on prend les mêmes et on recommence ?
A cette question à la fois banale et complexe, on apportera une réponse de normand : oui et non … ou plutôt non et oui. Non tout d'abord concernant le personnel, en raison de la séparation douloureuse des deux acolytes fondateurs du projet Tangent et de son prédécesseur Parallel or 90 Degrees. Sam Baine a en effet quitté le navire - signant de ce fait la fin de PO90 – et est remplacé guitaristiquement parlant par Jakko M Jakszyk. De même, Krister Jonsson, accaparé par le prochain Karmakamic n'est pas de la partie cette fois-ci.
Une deuxième fois non concernant l'aspect graphique de l'objet : après avoir confié précédemment leurs travaux (Tangent, Manning) à l'excellent Ed Unitsky, c'est désormais à un jeune français, Antoine Ettori, que The Tangent a décidé de donner les clés de son univers visuel … et les quelques illustrations présentes sur le site du groupe laissent augurer d'un travail réjouissant.
Enfin, musicalement, cet album va révéler quelques surprises. Les premières mesures du premier CD passées en blind-test orienteraient l'auditeur vers un nouvel album … de Pendragon ! Et 25 minutes plus tard, l'intro de la plage-titre reprend la même recette. Bien entendu, tout cela ne dure que quelques instants et l'on retrouve très rapidement le style habituel du groupe : un rock progressif d'inspiration 70's, dans lequel se glissent de nombreux passages jazzy, et où la couleur des Flower Kings est très présente. Le Lost in London (25 Years Later) est le parfait reflet de cette tendance. Mais, au contraire des suédois, le propos est globalement beaucoup plus enjoué, et The Tangent possède le don d'intégrer régulièrement des passages tout simplement lumineux, qui viennent rompre l'ambiance feutrée.
Ainsi, A Crisis in Midlife, dont le titre résume les divers états d'âmes traversés par Andy Tillison ces derniers temps, débute l'album en fanfare : sur fond de basse ronflante, les claviers et les guitares s'en donnent à cœur joie et rivalisent de virtuosité. De même, The Ethernet déroule ses 10 minutes de prog réjouissant, alternances de passages 70's et de néo, le tout soutenu par le saxophone d'un Théo Travis en pleine forme. Et que dire de Celebrity Pure, génial instrumental de moins de 4 minutes, qui démontre que la qualité d'un morceau de progressif ne se mesure pas uniquement à l'aune de sa durée. Dans la foulée, Nos as Good as The Book enfoncera le clou, avec ses multiples breaks et son final endiablé.
Le premier CD se terminera ensuite avec deux titres plus classiques, pour ne pas dire quelconques par rapport à ce qui précède. Mais c'est sans doute pour mieux apprécier ce qui va suivre … une deuxième galette de 43 minutes, avec deux titres au compteur. On en salive d'avance, et l'auteur de cette chronique parvient à se contredire de ce qu'il a écrit dans le paragraphe précédent !
En effet, l'écoute de ce premier CD, aussi réjouissante soit-elle, donne une légère impression de retenue dans le développement des compositions, comme si le groupe, désormais associé à une certaine notoriété de part la qualité de ses précédents opus, hésitait à se lâcher de peur de décevoir ou désorienter son public. Aussi, cette deuxième partie et ses deux titres epics permet au groupe de lâcher la bride et de laisser éclater tout son imaginaire musical, pour le plus grand plaisir de l'auditeur à qui il faudra de nombreuses écoutes pour s'imprégner de l'ensemble des thèmes musicaux présents sur Four Egos, One War (titre prévu à l'origine pour PO90), et The Full Gamut.
Nul doute qu'avec ce nouvel album, The Tangent va assurer définitivement sa place dans la cour des grands du rock progressif actuel… et peut-être même un peu plus. Ces 95 minutes de musique garantiront en tout cas de nombreuses écoutes à leurs auditeurs.
A noter que l'album est fourni, dans une édition spéciale, avec un recueil de nouvelles d'une centaine de pages, écrites par Andy Tillison durant la phase de composition et de réalisation. Enfin, je ne saurais que trop inciter le lecteur de ces quelques lignes à parcourir avec gourmandise le site internet du groupe, où il trouvera tous les détails de la genèse de ce nouveau chef-d'œuvre discographique.