Rares sont les groupes à pouvoir se prévaloir d’une discographie sans aucune faute de goût. Dans le cas de Krokus, il est évident que le niveau des œuvres proposées est relativement variable, mais la durée d’existence de ce groupe et son intégrité méritent le respect. Malheureusement, cette dernière qualité fut sérieusement mis à mal par la pression d’une maison de disque avide de bénéfices commerciaux et misant beaucoup d’espoirs en ce sens sur nos petits suisses. Le résultat en est ce « Change Of Address » dont même le groupe ne se vante pas. Le commentaire qu’il y apporte sur son site officiel est d’ailleurs clair : « The record company imposes too much of a pressure on the band’s musical style ».
Le succès de « Headhunter » et « The Blitz », ses prédécesseurs, explique les motivations d’Arista. C’est pourtant vers un véritable suicide artistique que la maison de disque va pousser ses poulains helvètes. Probablement conscients de la catastrophe qui se prépare, Storace et Von Arb laissent à Jeff Klaven, batteur du groupe pour son deuxième album seulement, la principale responsabilité des compositions. La bonne volonté du groupe reste cependant sensible, et ceci malgré une production manquant méchamment de puissance, ce qui est un comble lorsque l’on connaît les visées de la maison de disque !
Tout n’est pourtant pas à jeter sur cet album et un morceau comme « Burning Up The Night » aurait largement sa place sur un des premiers albums. Il s’agit d’ailleurs du seul titre écrit par le duo des leaders historiques Storace – Von Arb. La reprise du « School’s Out » d’Alice Cooper n’est pas ridicule non plus, même si d’autres en ont déjà mieux capté l’énergie. Par contre, le fond est touché avec 2 titres où Krokus réussit à s’auto-copier tout en massacrant ses titres originaux. « Say Goodbye » pompe lamentablement le riff de “Tokyo Night” de leur album “Metal Rendez-Vous”, tout en y rajoutant des chœurs flirtant avec le ridicule. Quant à « Long Way From Home », c’est au riff de « Fire » du même album qu’il s’attaque avec aussi peu de réussite.
Les autres titres œuvrent dans un style Aor / Hard FM où seuls l’hymne « Hot Shot City », calibré pour les radios US et le sympathique « Hard Luck Hero » surnagent. Le reste est la plupart du temps poussif et sans relief et ne correspond pas à l’identité du groupe. Ce qui devait arriver arriva et cet album fut un véritable échec, aussi bien artistique que commercial. Comme de bien entendu, Arista n’assuma pas son importante part de responsabilité et Krokus, après un live et un best-of aux succès très mitigés, se retrouva évincé de son écurie, ce qui lui valut plusieurs années de galère dont il ne se releva jamais vraiment alors que ces précédents albums lui promettaient un glorieux avenir.