Un nouvel album de Taking Back Sunday, groupe phare de l’emorock, sous-genre du punk hardcore ? Voici une bonne nouvelle pour commencer cette année 2008, d’autant plus que sort presque simultanément Louder now : Part Two, bel objet regroupant un CD et DVD des meilleurs morceaux du groupe en live. Oui mais voilà, Notes from the Past n’est qu’une compilation piochant dans les deux premiers albums du groupe, sortis sur le label indépendant Victory Records. Donc rien de nouveau sous le soleil, tout au plus deux b-sides que les fans connaîtront sans doute déjà. L’intérêt d’un tel album pour un groupe qui ne s’illustre pourtant pas par une production des plus abondantes (un disque tous les deux ans) est donc fort discutable… Mais ne boudons pas notre plaisir, et voyons maintenant ce qui nous est (re)proposé là !
Ce qui frappe d’abord, c’est la voix ; ou plutôt les voix. Car ce ne sont pas un mais deux chanteurs qui insufflent aux morceaux une énergie, une intelligence mélodique, et finalement une sensibilité qui se font plutôt rares dans le punk. Evidemment, notamment sur le premier morceau, Green Day n’est jamais très loin ; mais cette influence, qui n’est d’ailleurs pas revendiquée par le groupe, est parfaitement digérée et finit par se faire oublier au fil de l’écoute. Alternant chants rageurs et complaintes chavirées jusqu’au murmure, voix claires et timbres écorchés à la limite de la rupture, créant des effets de boucle (dans les refrains surtout) aux effets potentiellement hypnotiques, Lazzara et ses comparses chanteurs successifs savent ce qu’ils font et le font bien. Pour preuve ces deux formidables chansons que sont This Photograph Is Proof et One-Eighty By Summer.
Autre point fort du groupe, et non des moindres sinon le principal, la composition. Certes l’instrumentation reste simple (des cordes apparaissent ça et là), un piano fait quelques timides (et fort réussies, comme dans The Ballad Of Sal Villanueva) interventions, et il est difficile pour le groupe de s’émanciper de la structure pop traditionnelle couplet/refrain ; mais l’abondance des ruptures climatiques (beaucoup plus que rythmiques ou harmoniques) oblige à nuancer ce jugement rapide. Car l’essentiel des morceaux comporte une partie centrale, généralement placée entre deux refrains, qui contribue sans doute au succès du groupe. C’est dans ces courts (trop courts) passages qu’il faut chercher l’essence de l’emorock, dans l’apaisante mélancolie qui enveloppe l’auditeur, pris au piège alors d’une tristesse qui partage avec la rage l’urgence de son explosion. Les contrastes sont souvent saisissants, car ils suivent une logique qui n’est pas toujours unitaire : si l’instrumentation est apaisée, le chant introduit une tension qui parcourt de fait l’ensemble de l’album.
Mais cette volonté de ne pas produire une musique monotone et codifiée sécrète sa propre monotonie et ses propres codes : c’est là le principal reproche à faire à l’album. L’impression de tourner en rond et de retrouver sans cesse le même type de structure (même lorsqu’il s’agit justement de varier celle-ci par l’introduction de ruptures), le même type de phrasé dans les refrains, la même tension dans les voix… finit par lasser. Fort heureusement, quelques morceaux sortent du lot et réussissent très bien à chasser l’ennui par l’émotion (pistes 3, 7, 9 et 11 notamment), mais ce n’est pas toujours le cas, à l’instar de Number Fives With A Bullet qui s’oublie aussi vite qu’il est passé.
Au final, que reste-t-il de l’album après quelques écoutes ? D’abord une bonne première impression, et la sensation d’une très agréable – et parfois originale – synthèse entre pop et punk, parfaitement maîtrisée tant au niveau mélodique qu’harmonique. Le sentiment aussi d’avoir affaire à des musiciens qui savent utiliser leurs instruments, sans génie particulier mais avec une réelle envie de jouer et de surprendre qui fait plaisir à entendre. Puis enfin une impression de redondance, qu’en amateur de progressif je n’ai pu circonscrire sans irritation mais qui, je le précise, me touche pour chaque album de pop/punk. D’où cette note en demi-teinte, qui selon les orientations musicales de chacun, pourra sans doute être augmentée d’un point.