Il est de ces albums qui sont comme une mousse légère sur un gâteau riche de multiples régalades et traîtresses sucreries.
Il est de ces albums qui sont comme une évanescente brume, un voile subtil sur un décor crépusculaire.
Il est de ces albums, enfin, qui cachent pudiquement leurs charmes sous de discrètes mais affriolantes et sensuelles soies...
C'est une surprise, mais School Of The Arts est de ceux là.
Pourtant cet album est aussi, d'une certaine manière, une tromperie sur la marchandise. Je m'explique. Avec un tel personnel dans ses rangs à quoi devrions-nous naturellement nous attendre? Sans aucun doute à un super-groupe de plus croulant sous le poids de ses divers égo -dira le vieux routard- tiraillé dans des directions contradictoires par ceusses voulant rabattre sur eux la proverbiale couverture. Une sorte de monstruosité bancale et déséquilibrée, un Godzilla musical ivre et obèse...
A cela je rétorque: Diantre non! (pardonnez-moi cette médiévalité). C'est tout le contraire que nous proposent Morse, Gambale, Lavitz, Patitucci et consorts.
Pourtant le mélange n'était guère évident: composé de Dixie Dregs d'un côté et de fidèles sbires de Chick Corea de l'autre, rien ne prédisposait cet album au chef-d'oeuvre et à la bienheureuse alchimie ; La course au surarmement solistique était plus à craindre. Et pourtant... pourtant tout est là: la finesse, l'enthousiasme, le respect, l'humilité, et une mystérieuse magie qui participent à faire prendre la (délicieuse) sauce. School Of The Arts est d'abord un album aérien -acoustique forcément- intelligent et -insistons car c'est tellement rare- mu-si-cal!
Cet album esquive avec grâce tous les pièges du super-combo-de-la-mort-qui-tue: pas de surenchère, pas de verbiage ostentatoire et le choix, hautement malin, d'instruments acoustiques renforce le sentiment que les musiciens on préféré laisser la parole à la musique plutôt qu'à leurs potentiellement dictatoriales personnalités. Par la force d'une interprétation privilégiant un groove naturel, un swing entraînant aux dépends d'une manifestation de force instrumentaliste, "School..." arrive à créer un jazz léger -stratosphérique dirons les amateur de voltige- virevoltant et gouailleur. Des titres tels que "Fairweather Green", "Portrait" ou "On fire" transpirent l'enthousiasme et le plaisir de jouer : la complicité liant les musiciens est à ce titre plus qu'évidente et entraîne de fait notre adhésion.
Qu'ajouter encore, si ce n'est parler de la batterie de Weckl tour à tour diablement funky et parfois terriblement be-bop, de la basse gourmande de Patitucci, du volubile piano de Lavitz, le violon arabisant de Goodman ou des guitares de Gambale et de Morse? Rien... si ce n'est que tous ces talents réunis regardent tous dans la même direction, ont un but commun : jouer. Une virevoltante et joyeuse cohérence est le fil d'Ariane de cette galette.
Ainsi, School Of The Arts gagne un pari que beaucoup de super-groupes ont tenté et raté en se vautrant lamentablement : réunir des personnalités et talents forts afin de créer une musique qui réussit un insoluble paradoxe : allier richesse, musicalité, pertinence et simplicité. En clair, savoir rester en apesanteur..