ARTISTE:

NAKED CITY

(ETATS UNIS)
TITRE:

GRAND GUIGNOL

(1992)
LABEL:

TZADIK

GENRE:

JAZZ

TAGS:
Chant aigu, Chant grave, Expérimental, Jazzy
""
PLATYPUS (27.02.2008)  
4/5
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Continuons notre tour d’horizon de la galaxie zornienne, avec le deuxième album de Naked City, Grand Guignol, paru en 1992 sur le label Avant et réédité en 2005 sur le label made in Zorn, Tzadik. Cette réédition comporte une piste bonus, la version vocale du morceau éponyme, portée par le chant si particulier de Mike Patton, ancien leader de Faith No More et reconverti depuis dans les savoureux délires avant-gardistes de Mr. Bungle et Fantômas. Autant dire que l’écoute de cette galette s’impose d’emblée ; et qu’elle se révèle de suite comme une expérience unique qu’il serait dommage de ne pas tenter ! Jugez plutôt…

L’album s’ouvre et se clôt sur Grand Guignol, longue improvisation décadente dans laquelle les musiciens font tour à tour preuve de leur dextérité technique et où le groupe excelle dans l’art de créer des ambiances malsaines voire, une fois le son poussé à fond, terrifiantes. Les mélodies se font rares, mais elles contrastent furieusement avec le propos général, qui est essentiellement basé sur la dissonance, le rythme et le son. Dissonance principalement assurée par la guitare ou la basse, dans une optique parfois très jazzy, souvent nettement expérimentale ; travail rythmique réalisé par le batteur, qui passe allègrement de percussions tribales aux explosions hardcores, s’offrant de ci de là de magnifiques soli construits sur l’exploration systématique du contre-temps ; recherche sonore enfin, d’où le saxophone de Zorn émerge sous forme de cris, de hurlements suraigus saturés de violence. De longs passages contemplatifs émaillent le morceau, sur lesquels Patton gémit, râle, s’étouffe, module de longues notes cristallines avant de nouveaux accès de sauvagerie pure. La version vocale est sans doute la meilleure ; plus mélodique, plus violente également, et singulièrement attachante tant il est vrai que la beauté se loge souvent au sein de la cruauté .

Les 33 morceaux qui suivent forment une unité conceptuelle des plus étonnantes. Certains d’entre eux furent rassemblés par Zorn au sein d’une longue pièce intitulée Torture Garden. Le ton est donné, c’est bien de torture, de douleur et de sado-masochisme dont il sera question. Mais une fois le premier choc passé et la violence des morceaux assimilée – Zorn les nommant fort justement « hardcore miniatures » – l’écoute peut se transformer en véritable plaisir. Plaisir de la reconnaissance d’abord : The Prestidigitator est à cet égard exemplaire. En 46 secondes, le groupe explore pas moins de huit styles différents, allant du grindcore au jazz, en passant par un bon vieux rock des années 60. Plaisir de la déconstruction ensuite : Naked City ne se contente pas de piocher dans différents styles, il les agrège et les unifie par un traitement expérimental qui est dû en bonne part à la performance vocale du chanteur bruitiste Yamatsuka Eye. Plaisir plus coupable également de la perte de soi dans la violence et dans l’ironie malsaine qui corrompt la plupart des morceaux : l’une des pistes les plus agressives de l’album, Kaoru, se referme sur une comptine enfantine vraisemblablement dévidée par une boîte à musique… Plaisir tout simple enfin de l’amateur de jazz et de progressif qui apprécie la virtuosité de musiciens virevoltant entre riffs, mélodies, soli et improvisations diverses parfaitement exécutées.

Mais il faut bien que cet album ne soit pas complètement convaincant ; les interprétations de morceaux de Messiaen, Debussy, Yves ou Scriabin s’intègrent mal à l’ensemble. Ce choix fait preuve d’une liberté artistique qu’il convient de saluer, mais le grand écart stylistique opéré entre ces six pièces et le reste de l’album requiert une souplesse que nous ne sommes pas tous en mesure de posséder. Une autre faiblesse doit par ailleurs être pointée : la qualité du mixage du morceau Grand Guignol laisse à désirer, notamment pour la version vocale où la voix semble être légèrement sous-mixée. Rien de très grave cependant…

Pareil album ne se laissera pas domestiquer en quelques écoutes superficielles, et c’est là aussi tout son intérêt. Voici une œuvre exigeante, mais dont l’envers est un plaisir sans limites ; ce n’est pas si courant. Pour conclure, je me permettrai de vous proposer un modèle-type pour une soirée idéale autour de cet album : lisez quelques chapitres de L’Histoire de l’œil (1928) par Georges Bataille, regardez Psychose (1960) de Hitchcock, puis enfin plongez vous dans l’écoute de Grand Guignol. L’expérience pourrait être surprenante…


Plus d'information sur http://www.omnology.com/zorn03.html





LISTE DES PISTES:
01. Grand Guignol - 17:41
02. Blood Is Thin - 01:02
03. Thrash Jazz Assassin - 00:47
04. Dead Spot - 00:33
05. Bonehead - 00:54
06. Piledriver - 00:36
07. Shangkuan Ling-feng - 01:16
08. Numbskull - 00:31
09. Perfume Of A Critic's Burning Flesh - 00:26
10. Jazz Snob Eat Shit - 00:26
11. Prestidigitator - 00:46
12. No Reason To Believe - 00:28
13. Hellraiser - 00:41
14. Torture Garden - 00:37
15. Slan - 00:24
16. The Ways Of Pain - 00:33
17. The Noose - 00:13
18. Sack Of Shit - 00:46
19. Blunt Instrument - 00:56
20. Osaka Bondage - 01:17
21. Shallow Grave - 00:42
22. Kaoru - 00:53
23. Dead Dread - 00:48
24. Billy Liar - 00:13
25. Victims Of Torture - 00:24
26. Speedfreaks - 00:50
27. New Jersey Scum Swamp - 00:44
28. S&m Sniper - 00:17
29. Pigfucker - 00:24
30. Cairo Chop Shop - 00:25
31. Facelifter - 00:57
32. Whiplash - 00:22
33. The Blade - 00:39
34. Gob Of Spit - 00:21
35. La Cathédrale Engloutie - 06:24
36. Douloureux, Déchirant - 01:17
37. Très Lent, Contemplatif - 01:43
38. Allegro Drammatico - 00:49
39. Prophetiae Sybillarum - 01:46
40. The Cage - 02:01
41. Louange Á L'éternité De Jésus - 07:08
42. Grand Guignol [version Vocale]* - 17:41

FORMATION:
Bill Frisell : Guitares
Fred Frith : Basse
Joey Baron : Batterie / Percussions
John Zorn : Chant / Saxophone alto
Mike Patton (invité)*: Chant
Wayne Horvitz : Claviers / Piano
Yamatsuka Eye (invité): Chant
   
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