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"Sans la suite 'Domino', “Invisible Touch” serait complètement à oublier."
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2/5
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Il faut imaginer l’état d’esprit du fan (il en reste encore) découvrant en 1986 le dernier opus de Genesis, “Invisible Touch”. Il a vu lentement s’éloigner l’esprit imprégné de poésie qui baignait les productions du groupe, après le départ de Peter Gabriel et surtout de Steve Hackett. Il a assisté, un peu effaré, à l’intrusion du commencial collinien dans l’œuvre de son Groupe mythique. “Duke” avait maintenu un certain standing dans l’écriture, “Abacab” avait été pour la majeure partie une douche tiédasse, et, demi-miracle, la première partie du dernier album (la face A du vinyle “Mamma”) avait laissé entrevoir un retour vers des ambiances certes différentes du début, mais enfin retravaillées et riches.
Donc, le fan ouvre son cadeau, se précipite sur le livret (assez moche) et voit que les compositions, comme celui de l’album précédent, sont toutes co-signées Banks/Collins/Rutherford. Ouf, s’ils s’y sont mis à trois, on pourra éviter les errances précédentes, les plages solitaires du Genesis récent étant pour le moins régulièrement décevantes. Deux titres de bonne longueur augurant des possibles prometteurs ...
Il appuie sur la touche “lecture” ... ses espoirs auront été de courte durée ! Le morceau-titre est d’un commercial désolant, indigne des talents de compositeurs du groupe (enfin , au moins pour Banks et Rutherford, Phil s’étant solidement dirigé dans ce créneau). : rythme bateau, batterie électroniquement retravaillée, refrain hyperformaté, tout ce qu’on ne voudrait pas entendre d’un groupe aussi prestigieux (et pourtant, ce titre émergera en première place des hits américains : opération réussie !).
S’attendant au pire, il passe à la plage 2, encore de la batterie synthétique, aïe ! Et puis une certaine ambiance s’installe, beaucoup de percussions sur un accompagnement sonore très dépouillé et avec un chant très présent : nous sommes en pleine période d’influence collinienne. Tonight ..., bien qu’un peu long, arrive quand même à raccrocher l’auditeur. Il faut bien ça, car les trois titres suivants vont lui rappeler les pires moments de “And Then There Were Three”, ou les moments très moyens de la face B de “Mamma”. On a droit à tous les défauts du Genesis en très petite forme, Rutherford aux abonnés absents (et qui montre ses grandes limites en tant que compositeur guitariste: l’instrument est très sous-employé), Collins nasillant dans le micro et Banks ne proposant aucun solo digne de ce nom. Les tonnes de mélasse déversées pendant In too deep n’arrangent pas le menu.
D’agacement, le fan zappe la piste 6 (10 minutes de ce calibre, ça commence à bien faire ! ) , et arrive sur Throwing it all away, où il restera une vingtaine de secondes, à peine surpris de se retrouver dans “Face Value”. Le dernier titre, instrumental, élèvera-t-il le débat ? Moyennement, la musique ne décollant pas et le morceau ne bénéficiant même pas d’une fin écrite (l’utilisation du “fading out” devrait être proscrite sur les disques prog). Dommage, il y avait là une ambiance typiquement Banks, mélancolique à souhait.
Tout à fait hérissé, le fan se résigne à tenter sa chance sur la piste 6. Et là, miracle et alchimie, la magie opère. Commencé de façon anonyme, le titre plonge brutalement dans une ambiance lourde et inquiétante jamais entendue chez Genesis, ambiance qui happe l’attention et tiendra l’auditeur jusqu’au bout des dix minutes. Intelligente utilisation des percussions électroniques et des accompagnements rythmiques, très bonne prestation de Collins, à sa place, hallucinante transition en apesanteur entre les deux parties, la seconde encore plus noire que la première. Dans ce titre, le groupe réussit à proposer quelque chose d’inédit et de captivant. Sans la suite Domino, “Invisible Touch” serait complètement à oublier, mais ce titre est réellement un “must have”.
Plus d'information sur
http://www.genesis-music.com
LISTE DES PISTES:
01. Invisible Touch - 03:30 02. Tonight, Tonight, Tonight - 08:53 03. Land Of Confusion - 04:47 04. In Too Deep - 05:02 05. Anything She Does - 04:09 06. Domino - 10:45 07. Throwing It All Away - 03:52 08. The Brazilian - 04:50
FORMATION:
Mike Rutherford: Guitares / Basse Phil Collins: Chant / Batterie Tony Banks: Claviers
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(2) AVIS DES LECTEURS
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C’est l’album le plus commercial de la formation; et l’un de mes favoris de l’ère du trio ! Bon, allez-y, jetez-moi vos pierres… Il est vrai que cet attachement est certainement d’origine historique, au moins en partie, car j’ai découvert Genesis avec lui, à une époque où je n’avais encore fait qu’effleurer le progressif. La découverte de ce rock FM pêchu, avec une sonorité pleine à ras bord, ce fut l’électrochoc. Un style qui se démarqua puissamment de la mouvance pop qui déferlait alors sur les ondes. Je perdis ensuite tous mes repères à la première écoute de Wind & Wuthering, avant de réaliser à quel point le génie de la formation était sanctuarisé dans les réalisations des années 70. J’ai alors dévoré à reculons cette extraordinaire discographie. Mais le mal (ou le bien ?) était fait, avec Invisible Touch : j’ai adoré, et j’adore toujours la sonorité et les compositions de cet album. A commencer par son titre éponyme, sans aucun doute l’antithèse de ce dont le groupe était capable du point de vue inventif, mais d’une efficacité directement productive. D’ailleurs Genesis ne s’y trompa pas, ce titre connut largement les honneurs des concerts à venir, et bénéficia d’une déclinaison scénique opportunément ludique et encore plus festive. Et la moitié des titres au moins de cet opus, notons-le, viendra régulièrement alimenter le répertoire live de la dernière période, jusqu’à la tournée finale de 2007. Car en effet, "Invisible Touch" ne fait qu’ouvrir le bal; qui se poursuit avec "Tonight Tonight Tonight"… D’aucuns le trouveront trop long, personnellement j’adhère complètement à sa façon d’être lancinant, à la fois rampant et apocalyptique. "Land of Confusion" ? L’une des pièces courtes génésiennes les plus percutantes depuis le début de la décennie 80; dotée d’une énergie surréaliste en concert ! Difficile de se passer de The Way We Walk après l’avoir découvert en cette version. "Anything she does" est sans doute le point faible d’Invisible Touch, il rappelle la désinvolture et l’anticonformisme exacerbé de "Who Dunnit" qui sabordait toutes les règles harmoniques et rythmiques, sur Abacab ; mais plus consistant tout de même, avec une dimension festive que l’on ne peut pas rejeter complètement. Et puis, voilà le terrifiant "Domino" qui remet tout le monde d’accord, avec son cortège de figures progressives et rythmico-ensorcelantes, avec son désespoir abyssal que transperce une combativité hors norme. Servi, ici aussi, par un vocal irréprochable : agressif, enflammé, subtil, rêveur, effacé, à loisir changeant. Il n’y a pas à dire, l’ami Phil savait faire lui aussi, beaucoup mieux avec Genesis que jamais en solo. Pour mes oreilles, les plaisirs ne s’arrêtent pas là, puisque je déguste aujourd’hui encore "Throwing it all away" avec beaucoup d’appétit, un titre pourtant banalement Collinien (mais, ici aussi, la musique a ses raisons que la raison n’a pas), et je frémis toujours autant à l’écoute du pharaonique "Brazilian", Banksien comme j’aime, sous les assauts d’un feeling indéfinissable, en provenance d’un autre monde à la croisée des temps passés et des temps futurs. Avec tout ça, et avec tous ces millions de gens ordinaires qui fixent la scène, et qui font comme s’il ne s’y passait rien… Comment voulez-vous que je mette une mauvaise note à Invisible Touch ?
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Dans la série des albums de Genesis à réhabiliter, "Invisible touch" se tient aux côtés de "And then there were three" et "We can't dance". Les fans de progressif (qui ne sont pas moins intransigeants que les autres) crient au scandale mais avec du recul, on s'aperçoit qu'il y a bien plus à sauver dans cet album que ce qu'il y paraît. Bien sûr, le son a changé depuis l'ère Gabriel, il faut bien avancer avec son temps, les morceaux se sont raccourcis mais Genesis n'oublie pas ces racines pour autant comme en témoigne le trés beau "Domino". "Land of confusion" est un bon single pop (le clip est trés drôle) et "The Brazilian", un instrumental signé Tony Banks, clôt dignement un album bien représentatif de son époque. A noter que la version SACD hybride, avec ce son qui "claque", joue également en faveur de la réhabilitation de "Invisible touch".
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LECTEURS:
2.7/5 (18 avis)
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STAFF:
2.5/5 (15 avis)
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