Après avoir été longtemps tenu pour une simple émanation de Pink Floyd, le groupe allemand RPWL s’est progressivement détaché de ses prestigieuses influences pour acquérir son propre style. Dans la présentation de leur cinquième album studio, “The RPWL Experience”, le groupe se refuse à se cantonner à un style, et affirme partir à la recherche de nouveaux horizons musicaux et conceptuels. Cette louable profession de foi tiendra-t-elle ses promesses ?
Première constatation : si l’ambiance générale ne dépaysera pas ceux qui connaissent le groupe, il est clair que la musique a pris de la maturité, un “truc” qui donne un plus dans la densité des arrangements, dans la cohésion générale de l’album.
Maturité également dans les textes, puisque l’auditeur attentif (ou le lecteur de livret) relèvera que le propos est devenu plus sérieux et plus direct : on parle ici sans détour alambiqué de l’influence des médias sur l’abrutissement des masses ('Silenced'), de la manière de trouver sa voie ('Where can I go ?'), de la morale des marchands d’armes ('Masters of War'), ou de l’importance de l’image dans la société de consommation (Choose What You Want to Look at). Ces diverses réflexions pouvant conduire à des aphorismes bien pensés, du genre : “Si je connaissais l’ultime question, pourrais-je y trouver une réponse ?” . Ce parti-pris quasi-philosophique entraîne parfois une lourdeur dans certains titres (par exemple 'Where can I go ?' ), tant la difficulté est grande de vouloir à tout prix dire quelque chose à chaque ligne sur une musique "signifiante".
Le challenge est donc de concilier l’intelligence du propos avec la fluidité musicale. Il me semble qu’en tous cas tel était bien le pari engagé par RPWL pour cet album. Et le groupe y parvient indéniablement avec talent pour certains titres :
- A tout seigneur tout honneur, le morceau d’ouverture, 'Silenced', est un modèle d’équilibre entre textes, musique et instruments. Le groupe se paye même le luxe de quitter par moment les ambiances éthérées et très mélodiques qui lui sont familières pour s’aventurer vers le plus agressif et légèrement dissonant, notamment au cours d’un solo de guitare qu’on attendait pas de la part de Karlheinz Wallner.
- Très bonne conciliation entre la lourdeur du propos et l’ambiance sombre de la musique dans 'Masters of War', ce qui n’était pas facile à réussir (et un joli solo de guitare typé Gilmour, pour le coup dans un registre qu’on attendait chez Wallner !)
- Saluons aussi l’association astucieuse dans 'Chose What you Want to Look at', intégrant le thème de la société de consommation sur un rythme de rap - musique consommable s’il en est - rap lui-même intégré dans un titre de connotation rock. C’est très actuel, pêchu et mélodique : bien joué !
Pour ces trois titres, RWPL a rempli le contrat annoncé. Pour les autres, c’est plus discutable (mais la barre était placée haut !): 'Breathe in, Breathe out', 'Where Can I Go', 'Watch Myself' sont plus classiques, dans ces titres il n’y a rien de nouveau pour RWPL. 'River' place un intervalle atonal de deux minutes au milieu d’un titre atmosphérique (ballade acoustique), une mauvaise initiative qui casse l’ambiance du morceau - il faudra d’ailleurs m’expliquer quel est l’intérêt de ce genre d’intermède dans un album studio ...
'This Is not a Prog Song' est un bon petit rock-défouloir, sympa mais sans plus. Toutefois, ce titre montre une belle envie de s’évader des schémas pré-établis, et on ne peut pas en vouloir aux musiciens d’avoir voulu s’amuser un peu ! Si le synthé façon Manfred Mann a déjà été entendu (cf leur précédent album, “World Through My Eyes”, la mise en place sur une rythmique lourde quasi-metal dans 'Stranger' est là encore inédite pour nos Allemands.
Enfin 'Turn Back the Clock' qui clôt l’album montre un joli solo central de synthé rappelant le ELP de 'Lucky Man', mais il y a aussi du Genesis là-dessous (des guitares très Hackett). Un très chouette final, varié et bourré de clins d’œil aux “valeurs traditionnelles”.
Avec “RPWL Experience”, le quatuor allemand réussit un album mature, constamment mélodique, exrêmement agréable à écouter, qui cherche - et réussit partiellement, ce qui n’est déja pas si mal - à s’éloigner des sentiers balisés sur lesquels d’aucuns les avaient confinés. Un état d’esprit qu’il convient de saluer avec respect ! Il leur manque juste la petite étincelle qui allume l’émotion, pour décrocher la note suprême...