Après le très réussi “Snow Goose”, totalement instrumental, Camel, sous l’égide du duo Latimer - Bardens, va trouver son rythme de croisière avec ce “Moonmadness”, très représentatif du style qu’il va adopter jusqu'au 80's : un rock progressif léché et inventif, aux frontières du jazz soft et du symphonique, avec une prédilection pour les sections instrumentales (Latimer ne sera jamais un grand vocaliste).
Les parties vocales sont ici réduites au minimum : trois morceaux sont entièrement musicaux ('Aristulus', 'Chord Change', 'Lunar Sea'), les chants sont très minoritaires sur toutes les autres pistes, sauf sur la jolie balade 'Spirit of Water'. Les quatre membres du groupe se partagent les rares vocaux, souvent masqués par les effets.
Comme dans “Snow Goose”, la flûte de Latimer est extrêmement présente, que ce soit dans l’ouverture de 'Song Within a Song', ou à l’intérieur d’'Air Born' (quel romantisme !) ou 'Spirit of Water'. Cet instrument est pour beaucoup dans l’atmosphère éthérée et poétique qui imprègne l’album, souvent aidée en cela par les délicats arpèges aux claviers.
Les synthés prennent une part prépondérante dans les solos, avec des sons souvent travaillés. A cette époque, l’influence de Peter Bardens était probablement prédominante sur celle de Latimer. Les soli de guitare de “Moonmadness” n’ont pas encore l’intensité de ceux que nous trouverons plus tard (en fait, dès “Breathless”), et les claviers ont ici la part belle ('Aristulus', 'Song Within a Song', 'Lunar Sea').
L’écriture est parfois assez proche de certaines pièces de jazz : l’utilisation de rythmes décalés (5/4 ou 7/8) sur certaines sections renforce la variété dans l’écoute. On assiste ainsi à de remarquables successions d’ambiances, comme dans 'Chord Change', commencé jazzy, avec un gros travail de percussions, breaké pour un calme passage guitare, le rythme évoluant ensuite un peu à la manière de 'Rhayader...', grâce à un très beau travail à l’orgue, avant de revenir au tempo du début : belle variété en seulement 7 minutes !
Bien sûr, la production est un peu datée, et la rythmique est parfois peu dynamique ('Another Night'), mais à l’écoute, même si “Moonmadness” est moins ambitieux que “Snow Goose”, il demeure une petite perle de poésie dans l’œuvre de Camel. Fortement recommandé aux esprits romantiques !