Iron Maiden poursuit sur sa lancée. Son deuxième album sort très rapidement après "Iron Maiden". Dans l’intervalle, le groupe a changé de guitariste, Adrian Smith ayant remplacé Dennis Stratton. Il faut savoir que Smith, ami de longue date de Dave Murray, avait eu une proposition de Maiden dès 1979, mais à l’époque il avait privilégié son groupe Urchin. Et son arrivée est très positive. En effet Stratton ne s’était jamais vraiment intégré au groupe n'étant d'une part pas un grand fan de métal et d'autre part ne supportant guère la manière de vivre de la formation. Smith, par son talent gigantesque, va aider Iron Maiden à franchir un pallier supplémentaire.
Le travail pour le nouvel album ne commence donc qu’en décembre 1980, aux Battery Studios à Londres avec un producteur de renom, Martin Birch (Deep Purple), sachant que la production du 1er album était son principal point faible.
Du point de vue des compositions, il n'y a rien à jeter. Steve Harris a composé seul 90% de l’album, mais cela n’est en rien négatif, la plupart des titres étant joués sur scène depuis les débuts du groupe. Le son est énorme et Birch a su donner à l'album la même puissance qu’il dégage sur scène.
La principale chose à noter est la parfaite combinaison entre la voix de Paul Di Anno, limite punk, et la musique heavy metal. Le rendu est excellent et permet à Maiden de s’extirper de la masse. De plus, ce disque à un côté fonceur et rageur que le groupe n’aura plus par la suite.
L’album commence avec un très court instrumental, "The Ides Of March". Il est excellent et a servi à ouvrir les concerts sur la tournée qui suivit. Son enchaînement avec "Wrathchild" est parfait et l'on a tendance à prendre l'ensemble pour un seul et même morceau. Il y a une anecdote sur ce morceau dont on retrouve la copie presque parfaite sur l’album "Head On" de Samson, sorti en 1980, sous le nom de "Thunderburst".
"Wrathchild" enchaîne et la chanson est déjà bien rodée. Elle apparaît dans une version différente sur la compilation Metal For Muthas en 1980 et est joué sur scène depuis les débuts du groupe. La version de "Killers" est encore plus efficace avec des ajouts de guitares par Adrian Smith. C’est un des grands tubes de Maiden, joué encore aujourd’hui en concert.
Avec "Murders In The Rue Morgue", nous avons le premier titre composé pour cet album et il s'agit d'un morceau rapide qui colle à merveille à la voix de Di Anno. Il démarre tout en douceur avant un départ ultra heavy soutenu par la batterie très efficace de Clive Burr. La chanson s’inspire de la nouvelle d’Edgar Allan Poe du même nom, et c’est un titre taillé pour la scène qui ouvrira d’ailleurs les concerts sur la tournée suivante.
"Another Life" est moins direct et pourrait passer pour plus anecdotique, mais c’est un bon petit morceau soutenu par une très bonne intro et des soli très efficaces. Derrière se trouve le deuxième instrumental de l’album, "Genghis Khan" et c’est sans doute l’un des meilleurs de Maiden. Il possède des parties de batterie énormes et de très bons riff de guitare.
"Innocent Exile" est l’un des premiers morceaux de Maiden, joué depuis longtemps sur scène à cette époque. C’est un titre plus complexe, mais il se révèle excellent au fil des écoutes.
Le titre suivant est le tube de l’album. Soutenu par une superbe intro à la basse, "Killers" fait dans un heavy légèrement épique. Il est à noter que le titre existe en deux versions. L’autre version a des paroles complètement différentes que l'on peut entendre sur la vidéo tournée fin 1980, mais la version de l'album est meilleure, les paroles collant à merveille à la musique.
"Prodigal Son" a aussi été écrite à l’occasion de cet album. C’est un morceau semi-acoustique, une semi-ballade très réussie, plus réfléchie. Elle change du ton général du disque mais s’y intègre très bien et annonce un peu le futur du groupe en montrant que celui-ci a de nombreuses cordes à son arc. Il est à noter que les paroles nous ramènent encore au même thème, celui d’un tueur. Ce n’est pas un concept album mais la plupart des titres semblent former une histoire à suivre.
"Purgatory" est la version moderne d’un très vieux titre de Steve Harris, "Floating", joué entre 76 et 77. C’est un excellent titre, qui sortira d’ailleurs en single, aisément mémorisable avec une excellente partie rapide. "Twilight Zone" est une chanson qui n’apparaît à la base que sur la version américaine du disque. Elle a été ôtée en Europe car sortie en single peu avant. Elle mérite amplement sa place sur l’album car c’est un morceau très rapide écrit en partie par Dave Murray.
Avec cet album, Iron Maiden confirme tous les espoirs placés en lui et s’impose comme le leader de la scène metal. La tournée qui suivra sera énorme et durera toute l’année 1981. Mais ce rythme infernal va user l’un des principaux artisans de ce succès naissant, Paul Di Anno lui-même, à qui les divers abus commis en tournée vont coûter sa place.
Au final, nous assistons en quelque sorte à la fin d’une époque. La NWOBHM ne va bientôt plus se résumer qu’à quelques leaders et c’est également la fin de l’innocence pour le groupe, avant le passage à la très grosse artillerie. Cependant, le groupe ne serait sans doute pas devenu ce qu’il est si Di Anno était resté et même si certains peuvent être nostalgiques de cette époque et de cet album très brut de décoffrage, ce qui suit s’annonce tout aussi passionnant.
Un petit mot pour la pochette, une des plus réussies de Derek Riggs et la dernière à être ancrée dans la réalité quotidienne. Elle donne au groupe un côté agressif qui va contribuer à sa popularité. A noter qu’en bas à gauche apparaît le Ruskin Arms, le club des débuts de Maiden et tout en haut, peut se distinguer la célèbre Charlotte The Harlot.