Tout est dans le nom : ‘Benoît Pol Trio’, c'est donc un trio, oui mais un trio formé par un certain Benoît Pol… Ok, mais encore… Benoît Pol est un guitariste issu d’une récente promotion de la fameuse MAI de Nancy (c’est comme la Star Academy mais en beaucoup mieux ;-) ) qui s’est entouré pour l’occasion d’Eric Bricout pour gérer tout ce qui a quatre cordes et qui peut éventuellement slapper (ici, une basse, avec parfois plus de quatre cordes) et de Jérôme Carniaux pour taper sur tout ce qui peut faire des bruits intéressants (ici, une batterie). Avec ‘Arma Virumque Cano’, le trio signe son premier album, d’une durée assez courte : sept titres pour un total de moins de 40 minutes dans un registre fusion/jazz instrumental.
Allez, on se passe le CD ? Eh bien ça fleure très bon dès le démarrage avec ‘What Else’, on sent que ça tourne bien et on assiste à un mélange blues/jazz/groove à la ‘Blue Saraceno’ période ‘Hairpick’. Parmi les ingrédients utilisés, une très bonne section rythmique se trouve relevée par un excellent son de gratte très crémeux afin de nous livrer une fusion sobre et efficace… Quoi d’autre (ouais, ça veut dire ‘What Else’ en anglais) ?... Le titre est savoureusement agrémenté d’une incursion funky laissant place à d’excellentes lignes de basse avec un son de type synthé donnant un effet spacial au phrasé, lequel sait également s’exprimer en slap. Les trois instruments remplissent efficacement le spectre musical sur ce titre qui groove et où l’auditeur ne s’ennuie pas.
Avec ‘Zocalo’, ce sont des harmoniques jouées sur la basse qui créent une ambiance feutrée et mélancolique qui débouche ensuite sur des arpèges et des thèmes et phrasés donnant dans un registre orienté jazz (au niveau du son de gratte, avec assez peu de drive). Le jeu de basse sort davantage du lot, en se plaçant à la même hauteur que la gratte au niveau du mix.
Sur ‘Beyond’, ce sont quelques effets de gratte avec la pédale d’expression qui introduisent le titre avant d’ouvrir sur une fusion/jazz où la basse s’en donnent remarquablement à cœur joie. Ici aussi, la basse est bien mise en avant, et ça groove sévère !!!
Après cette groove session, Benoît calme le rythme avec ‘Butterfly’s Way’ : un titre lent et mélancolique, relevé par des sonorités de basse qui font penser à une fretless et quelques notes de clavier saupoudrées ci et là. L’ambiance est ainsi très tamisée et en fermant les yeux on s’imaginerait assez facilement dans les vapeurs de fin de soirée d’un bon jazz-club.
Pour se réveiller et se remettre de la baisse de tension du titre précédent, ‘Trinérium Délirium’ nous relance le rythme cardiaque avec des ambiances groovy et funky, enrichies par des petites couches de claviers et même un solo très jazzy. Le thème est ici joué dans un esprit assez proche de ‘What Else’, avec une petite touche de wha-wha en plus.
‘Song for Jess’ casse à nouveau le rythme avec une plage acoustique. Là, ce n’est donc plus le trio qui s’exprime mais plutôt Benoît en solo. On assiste alors à un très joli morceau d’inspiration classique : un registre où il est difficile d’assurer aussi efficacement qu’avec l’électrique mais où Benoît nous démontre qu’il sait y faire !
Pour finir, ‘Epilogue for Lisa’(après Jess, voici Lisa, Benoît semble entouré de nombreuses amies) laisse encore la configuration en trio de côté pour que Benoît s’exprime à nouveau en solo (mises à part quelques nappes de claviers qui relèvent les phrasés de guitare). La composition est jouée tout en finesse, un long solo très expressif faisant d’ailleurs penser à Shawn Lane sur certaines parties.
Après cette courte écoute, quelques remarques peuvent être faites. En ce qui concerne les remarques positives : le jeu des trois instrumentistes est très bien développé, la maîtrise technique est indéniablement là, sans trop en faire, ce qui est appréciable dans ce registre musical. L’équilibre est globalement bien entretenu. Je trouve d’ailleurs que cet album permet davantage de distinguer le jeu de basse que celui de guitare ou de batterie : c’est très agréable car on n’a pas souvent l’occasion d’entendre une bonne basse mise correctement en avant. On jouit d’ailleurs d’une grande proximité avec les instruments (du fait de leur faible nombre et d’un mix équilibré). Les références du genre sont bien digérées et traduites en assurant un bon groove : Pat Metheny, Allan Holdsworth, Frank Gambale…
En ce qui concerne les points négatifs : non, en fait ce ne sont pas des points négatifs, ce sont de simples remarques, qui n’engagent que moi ! En effet, le choix du trio fait qu’il manquerait parfois un habillage plus conséquent en matière d’instrumentation (bien que des claviers soient parfois ajoutés, comme dans le titre 5), mais on ne revient pas sur le cahier des charges qui est celui d’un trio : c’est donc un choix artistique qui implique forcément de composer avec les limites qu’il impose… Au niveau stylistique, on sent un bon potentiel mais une légère ambiguïté entre travail en trio et travail en solo : certains titres semblent ne pas avoir été composés en trio (en l’occurrence les deux derniers titres de l’album). L’album est ainsi un peu hétérogène… Comment dire : bien qu’il y ait un fil conducteur, tous les titres ne présentent pas la ‘griffe’ du trio. De fait, l’oeuvre prend quelque peu des airs de patchwork, compte tenu aussi de la faible durée de l’album…
A l’avenir, il faudra faire un choix dans le dosage des différents styles pour trouver ‘Le’ style du trio. Malgré une grande maturité et un gros potentiel, je reste un peu sur ma faim, il y a pour moi un petit goût d’inachevé… Allez, on attend impatiemment la suite !!!