Moins d’une année après leur premier album, au titre éponyme, "Combination Head" revient avec un second opus, intitulé « Progress ? ». La formation du talentueux et touche-à-tout anglais Paul Birchall a-t-elle, au travers de cette nouvelle œuvre, et comme son propos semble l'interroger, franchit une nouvelle étape dans les tréfonds de son cheminement créatif ? Pour tenter d’y répondre, embarquons-nous donc à bord de cette nouvelle offrande et laissons-nous envahir par son univers.
Pour commencer, "Combination Head" s’est sensiblement enrichi depuis ses débuts. D’un trio, la formation s’est étendue, a accueilli en son sein trois membres supplémentaires et s’est entourée de la présence vocale de différents artistes invités, parmi lesquels Nick Van Eede, l’ex-chanteur de "Cutting Crew". L’apport de ces virtuoses est particulièrement bienvenu, tant il concourt à élever l’univers musical de "Combination Head" vers une plus grande harmonie et vers des contrées plus variées. On l’aura aisément deviné : le changement le plus marquant entre les deux œuvres de la formation anglaise provient de l’apparition de portées vocales sur différents morceaux. Cinq au total, soit la moitié des dix titres composant ce plaisant recueil. Aussi, l’univers musical de "Combination Head" navigue désormais entre deux eaux, mariant le progressif instrumental symphonique de ses débuts, fortement marqué par d’illustres aînés dont "ELP" et "Camel", à un pop aérien et mélodieux, presque FM, rappelant par moments les chansons les plus légères de l’inévitable "Alan Parsons" et de son projet légendaire.
Dès les premières notes de cette œuvre, nous sommes aussitôt immergés au sein de cette dualité, envoûtés tantôt par le tourbillon hypnotique d'un clavier qui se révèle divin lorsque relevé, au moment opportun, par une guitare captivante (« New City »), tantôt par la beauté d’une mélodie qui n’a d’égal que sa simplicité harmonieuse (« Glass And City »), délicieuse sucrerie qui pourrait, sans rougir, inonder à l’envie nos ondes radiophoniques et s’imposer à chacun. Tout au long de cette œuvre, notre âme se laissera constamment chavirée par ces flots aux tendances opposées. De cette association presque improbable naît un univers impersonnel, qui se démarque du même coup de ces multiples influences et au sein duquel Paul Birchall peut laisser libre cours à l'expression de ses différents fantasmes. Aussi, prisonnier d’aucune contrainte de style, il exprime tantôt ses amours pop-rock (rappelons qu’il fit offrande de ses talents, par le passé, à différents groupes réputés, de "The Corrs" à "Cher" en passant par "Geri Halliwell"), tantôt ses influences progressives d’adolescent « seventies ».
Les diamants de cet album s’illuminent ainsi au détour de son jeu d’une richesse infinie. Les arrangements de son clavier sont maîtrisés d’une main de maître, dont le talent, avec aisance et grâce, allie complexité et dynamisme. De la dextérité de ses doigts émerge la vie ; chaque touche semble animée par des élans d’une intensité émotionnelle sans pareil. Aussi, les trois brèves minutes de « Future Wisdom » semblent délivrer une portée universelle et infinie inattendue pour un morceau aussi court. Bien évidemment, les notes de claviers sont omniprésentes tout au long de « Progress ? » et se déclinent soit au travers de l’orgue, du piano ou des synthés, évoquant même, par moments, "Barclay James Harvest". Cette atmosphère est parfois transpercée par une guitare qui peut se montrer plus agressive que par le passé et à l’ambiance par moments agréablement « jazzy » (« Liquid »). Le jeu du batteur Paul Burgess, qui oeuvra également avec "10cc", "Jethro Tull" et "Camel", est en revanche volontairement discret pour soutenir au mieux les envolées lyriques de Paul Birchall.
Parmi les nombreuses richesses de cet album, citons encore, outre « New City », « Glass And Steel » et « Future Wisdom », l’instrumental « Liquid », proprement ensorcelant, qui évoque l’ombre d’un Ray Manzarek remodelé et modernisé, le savoureux « Anthem », titre aux allures de tube incontournable, sur lequel nous nous laissons bercer par le timbre délicieux de Neil Fairclough, ainsi que le plus pêchu « Solid Ground », mélangeant habilement le courant "néo-progressif" au rythme soutenu d’un rock "américanisé". Et comment ne pas s'émerveiller à l'écoute du très inspiré « Cloud Cover », ultime étape de ce pèlerinage, qui, se révèlant être une illustration parfaite de la combinaison magique des différents styles artistiques qui s’entremêlent dans la tête de Paul Birchall, aurait d’ailleurs pu s’intituler « Combination Head ». Son final, à l’ampleur sans cesse croissante, offrant l'opportunité à la guitare de s'envoler au paradis, nous élève progressivement dans les airs, pour extraire notre âme de son enveloppe charnelle et pour l’immortaliser dans un état de lévitation proche de l’extase. Peut-être le moment le plus intense de l’album, dont l'arrêt soudain et abrupt entraîne une irrémédiable envie de replonger au cœur de l’univers qui s’est offert à nous ou, tout du moins, de ne pas l’abandonner sans laisser échapper un souffle de nostalgie.
Certes, pour pénétrer pleinement l’univers musical de « Combination Head » et pour se laisser émerveiller par ses petits bijoux, il convient d’aimer les claviers, au risque, le cas échéant, de se retrouver face à un édifice insurmontable, hermétique ou carrément agaçant. Pour tempérer l’engouement de nos propos, notons que d'aucuns pourront reprocher à Paul Birchall une tendance à recourir à une simplicité naïve, mièvre et bon enfant. « Glass And Steel » et sa mélodie basique, « Tomorrow's World » et son refrain gentillet, mais ô combien obsédant et entraînant, ne donnent-ils pas l’impression d’avoir déjà été entendus à maintes reprises par le passé? Ne rappellent-ils pas les titres les plus ramollis et cotonneux du « Alan Parson’s Project »? En outre, cette dualité entre les parties instrumentales et vocales peut-elle éloigner cette œuvre d’une certaine cohérence ou d’une réelle identité? Peut-elle favoriser, à l’inverse de l’effet recherché, un certain décrochage, par faute d'une trame clairement établie, au point de nous demander, notamment à l’écoute de l’inutile « The Great Escape » et de sa voix féminine intrusive et importune, si nous nous trouvons toujours au coeur du même album? Nous vous laisserons seul à même d'évaluer la pertinence de ce décalage, ainsi que l'impact de la simplicité mélodique de certains titres.
Au terme de ce voyage, et malgré ces quelques considérations, notre réponse à la question initiale semble, d’évidence, s’imposer à nous. Oui, « Combination Head » a progressé. Sa personnalité s’est affirmée, son style a gagné en diversité, son univers musical s’est empli d’une mélodie appelée à éveiller les sens de quiconque s’aventurera en son sein. L’ensemble accouche d’une œuvre riche et dynamique qui, sans se révéler incontournable, n’en demeure pas moins agréable et surprenante, rehaussée par une production d’une qualité et d’une clarté irréprochables, embellie par les différents changements dont elle s’est enrichie et porteuse d'une intensité émotionnelle qui ne pourra laisser insensible. De toute évidence, on peut y palper, au gré de son écoute, le bonheur qui anima l'âme de ses concepteurs lors de sa création. Demeure alors une ultime question: au sein de quel style musical répertorier l’univers de « Combination Head » ? Rétro Prog, Néo Prog, Pop-Rock Prog, ArtRock, Pop-Rock Symphonique ou… ? Là encore, on se gardera d'exprimer notre avis, et on vous laissera libre d’en émettre votre propre jugement, en vous invitant à l’écoute de ce délicieux « Progress ! ».