Après 12 ans de séparation (si l’on excepte leur apparition scénique pour le passage à l’an 2000), le moins que l’on puisse dire, c’est que le nouvel album d’Europe suscite de nombreuses attentes et d’interrogations. La première réponse concernant le titulaire au poste de guitariste est la présence du guitariste d’origine, John Norum, pour composer ce que nombreux appellent le classical line-up. Kee Marcello ayant été accusé par beaucoup de la trahison vers un pop-hard-FM commercial, la présence de Norum laisse augurer d’un retour aux valeurs d’origines qui avaient fait l’identité du groupe sur ses 2 premiers albums.
C’est pourtant la surprise qui prévaut dès les premières notes de 'Got To Have Faith', le titre d’ouverture. En effet, la production est très moderne et le son est plus sombre et plus heavy. Il faut vraiment la voix caractéristique de Joey Tempest pour reconnaître Europe, d’autant que les claviers sont particulièrement discrets. Les 5 Suédois possèdent toujours cet incomparable sens de la mélodie et du refrain immédiat, mais le son est beaucoup plus lourd. Si la frappe de mule de Ian Haugland n’est pas une nouveauté, c’est le jeu de John Leven qui surprend par sa noirceur et son épaisseur, qui n’est pourtant que le résultat logique de ses différentes expériences durant le long break du groupe. Il en découle un son à la limite du stoner et des intonations que Zakk Wylde et son Black Label Society ne renieraient pas ('N°12'). Mic Michaeli, quant à lui, semble être la principale victime de cette orientation, son jeu se faisant d’une exceptionnelle discrétion. Tout juste pouvons-nous noter ses interventions au piano sur le mid-tempo 'Reason' à la remarquable montée en puissance, sur la ballade mélancolique 'Roll With You' et sur l’intro d’un 'Spirit Of The Underdog' aux couplets calmes et aux refrains catchy. Pour le reste, ses interventions se limitent à quelques nappes plus ou moins discrètes.
Ces évolutions, si elles peuvent en déconcerter certains, ne doivent pas pour autant masquer les qualités qui en découlent. Car c’est bien d’un excellent album de hard-rock puissant, sombre et mélodique dont a accouché Europe. Les ballades sirupeuses et autres productions racoleuses et commerciales ont cédé la place à de véritables brûlots tels que le puissant trio hard-rock qui ouvre cet album de façon assez homogène avec un 'Got To Have Faith' au break mélancolique précédant un solo tout en distorsion, un 'Start From The Dark', véritable hymne au refrain fédérateur et un 'Flames' à la sombre tristesse. Et si le tempo peut monter d’un ton sur le très rock’n’roll et festif 'Sucker' ou le bien nommé et très hard US 'America' au solo dévastateur, il peut aussi se faire plus mélancolique. Les power ballades 'Hero' et 'Roll With You' ou la ballade électro-acoustique 'Settle For Love' en sont les meilleurs exemples et ont le mérite de ne jamais sombrer dans le mielleux ou le racoleur.
Europe réussit donc un retour à la fois talentueux et déstabilisant et une fois franchit l’obstacle de la surprise provoquée par cette nouvelle identité, il est facile de se laisser emporter par une production d’un très haut niveau et d’une qualité sans faille. Voilà qui mérite le respect, et pour le risque de la démarche, et pour l’excellent résultat obtenu.