Le début des années 80 est une sombre époque pour Phil Lynott, le charismatique frontman de Thin Lizzy. En pleine séparation de sa compagne, le leader métis du combo, au sein duquel les rapports entre Snowy White et ses comparses sont pour le moins houleux, sort en 1981 cet album qui a fait un flop. Il faut dire qu’il jurait un brin dans le paysage métal de l’époque. Le propos n’était pas assez musclé face à Iron Maiden, Saxon et Def Leppard. La majesté de l’œuvre n’a quasiment séduit que les irréductibles du fait de son éclectisme musical et des trop rares sonorités hard rock de l’opus.
Le démarrage au synthé d 'Angel Of Death' suivi de son riff introductif puissant et sombre n'est pas des plus réjouissant. Les paroles où il n’est question que d’holocaustes passés et à venir, de mort (celle du père de Lynott) et de désastres marque l’auditeur profondément. Le titre suivant, 'Renegade', est dixit Lynott, autobiographique… Le démarrage est moins sombre mais la tristesse prime avec une alternance de passages calmes et de moments énervés comme un rappel de la personnalité de Lynott. L'homme n’est pas à l’aise en société et ne se sent bien que dans la solitude… C’est un titre mélodiquement magnifique avec des ruptures gorgées de feeling.
La claque mélodique qu’est 'Hollywood' remet l’opus sur la bonne voie et il n’en déviera plus. Ici, nous avons affaire à une critique des frasques Hollywoodiennes. Lynott n’a jamais accepté l’incompréhension de sa sensibilité artistique, ni leur intolérance face à ses « dérapages » (concerts annulés par exemple) dus à une santé vacillante. L'album poursuit la série des mélodies fortes avec 'No One Told Him' dans laquelle Phil explique à une amie qu’elle a brisé le cœur de son boyfriend. Des paroles sérieuses certes, mais la mélodie plutôt bondissante nous permet de sortir de la morosité.
En clôture d’album, nous trouvons 'It's Getting Dangerous' qui évoque les liens qu’on lâche dans les relations amicales par la faute du temps qui passe. L’entrée en matière est presque angoissante et les paroles ne rassurent pas. L’ensemble du texte, magnifique, riche et perclus de nostalgie nous montre sans équivoque que le problème en question taraude son géniteur. Le titre, d’une absolue musicalité, fait frissonner tant l’émotion en jaillit de toutes parts.
Ce "Renegade" mal aimé et pourtant tellement réussi peut presque s’assimiler à une confidence qu’aurait souhaité nous susurrer à l’oreille Phil Lynott. Une sorte de mise à nue musicale. Le destin tragique de l'homme qui apparaît en filigrane rend cette œuvre d'autant plus poignante.