L’histoire de Camel est en définitive musicalement assez hétérogène. Le départ, puis la disparition d’un de ses créateurs d’origine, Peter Bardens, n’y sont certes pas étrangers. Mais il faut aussi y voir le besoin de rechercher, d’explorer parfois, notamment dans le domaine “symphonique” , et également de sortir des albums plus simples, comme si les auteurs cherchaient tout simplement à se faire plaisir. C’est le cas pour ce "Single Factor", paru en 1982, entre un "Nude" au concept assez ambitieux et un "Stationnary Traveller" tout en ambiances juxtaposées.
Le “single factor” en question, c’est Andy Latimer lui-même, seul rescapé du line-up de "Nude" : Peter Bardens fait une courte apparition dans 'Sasquatch', Andy Ward, victime d’une blessure, ne tient pas ici la place de batteur ; par contre Susan Hoover intervient de plus en plus dans la rédaction des paroles. Et puis on notera la contribution d’Ant Philips aux claviers et à la guitare (miam, se dit l’amateur !), ainsi que de Chris Rainbow et de David Paton, membres à l’époque d’Alan Parsons Project. Ce cross-over dans le line-up (ah, ces anglicismes ! mais ça sonne mieux que “ces interversions dans la distribution” ... bref) va d’ailleurs tirer l’ambiance du disque vers celle des productions d’APP ('You are the One', 'Today’s Goodbye', 'Camelogue').
'Single Factor' n’est clairement pas un concept-album, ni dans les textes ni dans la musique : il est composé de titres plutôt courts, directs et sans lien entre eux, et d’une qualité assez inégale. S’y trouvent des morceaux assez légers, comme le basique 'No Easy Answer' qui ouvre l’album, la mini-berceuse 'Lullabye' ou le popisant 'Camelogue' ; d’autres pièces sauvées par le talent de guitariste de Latimer, comme ce 'You Are the One', au refrain assez niais ; de jolis clins d’œil vers le plus symphonique et l’atmosphérique avec 'Heroes', quasi “néo” avec son beau thème vocal ; 'Selva' et toute la finesse de Latimer à la guitare; 'Manic', commencé sur un tempo rapide avec un solo guitare très électro - un son inhabituel chez Latimer - et un break du genre de ceux qui seront retrouvés plus tard dans la disco du groupe, qui font passer l’ambiance du décontracté au sombre, un art dans lequel Latimer-compositeur excelle ; et le diptyque final, atmosphérique très réussi.
Et pour moi la réussite de l’album demeure le très catchy 'Sasquatch' (avec Ant à la 12 cordes), qui se démarque des autres productions du groupe par son agressivité (relative, quand même, c’est du Camel !)
"Single Factor" est donc à l’image de la carrière du groupe : inégal, entravé par quelques déceptions et parcouru de fulgurances, écartelé entre la tendance concept symphonique et les morceaux plus simples et indépendants. Un album plutôt à réserver aux fans qui veulent compléter leur discographie...