Mais qui est donc Bill Cutler ? Multi instrumentiste (guitariste, chanteur, bassiste), producteur, manager et également compositeur, ce new-yorkais s’en est allé sur la côte Ouest des Etats-Unis à la fin des années soixante afin d’y prodiguer ses multiples talents. C’est à cette époque qu’il rencontre, entre autre, le lead guitar d’un célèbre groupe anticonformiste, le bien nommé Grateful Dead. Puis, le temps faisant son œuvre, il enregistra plusieurs albums dans les années 70 avec notamment "Heroes" et "Nu Models" au début des années 80. Sa carrière de producteur pris son envol dans les années 90 avec le groupe de Nu métal "Spike 1000".
Le gaillard dispose donc d’un pédigrée assez imposant, qui plus est dans des domaines musicaux très différents. Et c’est sur l’initiative de Magna Carta que "Crossing The Line", son dernier album, vient de sortir d’une torpeur qui aura quand même durée deux décennies. Cet état de fait est en partie dû à un imbroglio concernant la légitimité de cette galette à trouver sa voie dans une jungle discographique où les grands principes sont parfois impénétrables….
Ces problèmes dorénavant réglés, "Crossing The Line" voit enfin le jour. Cette œuvre, dont la genèse remonte au début des années 70, présente un florilège de musiciens avec qui Bill Cutler a croisé le fer pendant les seventies. En effet, pas moins de huit guitaristes sont présents sur "Crossing The Line", et non des moindres, pour accompagner ce musicien accompli. Les quatorze titres proposés résonnent sous les notes du regretté Jerry Garcia (Grateful Dead), du talentueux Jorma Kaukonen (Jefferson Airplane, Hot Tuna) pour les plus populaires. D’autres stars du rock US comme David Nelson (New Riders of the Purple Sage), Bob Weir (Grateful Dead), Jerry Miller (Moby Grape) apportent un soutien de poids aux compositions de Bill Cutler.
Le rock "Made In USA" s’en retrouve resplendissant sur "Crossing The Line". Cet album est à considérer comme un voyage exaltant à travers cette immense contrée, avec toute l’authenticité musicale qu’elle a pu engendrer. Le rock californien est à l’honneur sous les auspices de titres comme "Engine 99" et "Cry Of The City", dont l’aura légèrement psychédélique apporte son lot de souvenirs. Le blues n’est pas oublié avec le stonien "Sugar For Sugar", où l’harmonica enflammée de Matthew Kelly (RatDog, Kingfish) complète harmonieusement le chant bien en phase de Bill Cutler. Le country folk n’est pas laissé sur le bord de la route (66) avec le dynamique "Rockingham Mill" et le plus mélancolique "Ridin’High". Les guitares sont toujours volubiles, aériennes et bien posées, notamment sur le somptueux "Starlite Jamboree", où Jerry Garcia y montre toute sa magnificence.
Avec cette pléthore de musiciens, "Crossing The Line" demeure cependant équilibré et diversifié, et rappelle tout de même que le maître à bord reste Bill Cutler. Mais son aisance et son talent assurent à ces acolytes le soutien idéal dans un climat amical et sincère. Cet album revêt donc un caractère aussi rare qu’exceptionnel de par l’intensité et l’émotion qu’il sait faire passer.
Bill Cutler revisite une tranche de vie de l’histoire du rock américain avec "Crossing The Line" et il serait plus que regrettable de ne pas y prendre part. Un coup de chapeau à Magna Carta d’avoir eu la louable intention de distribuer cet album qui ne peut qu’enchanter ceux qui apprécient ce genre musical. Quant aux autres, plus frileux dans les styles imposés ici, "Crossing The Line" peut faire office d’un tremplin idéal pour effectuer le grand saut et tomber sous le charme de l’ambiance et du talent dispensés tout au long de cette production.