Après l’énorme album en public Live And Dangerous, Thin Lizzy ne pouvait qu’être attendu au tournant, d’autant plus que Robertson, guitariste émérite de son état, avait quitté le navire. Les hommes de Phil Lynott, qui rencontraient alors un succès assez conséquent en Europe, s’étaient également donnés un autre challenge, celui de percer outre-Atlantique. C’est donc avec un sacré poids sur les épaules que le groupe irlandais sortit en 1979 Black Rose.
Autant le dire tout de suite, la réussite sera mitigée. Certes, cet opus fût très estimé par les fans anglais (2ème place dans les charts), mais il fît in flop complet aux States et la tournée qui suivit fut un bide, la faute en partie à Lynott dont les excès en tous genres lassèrent Gary Moore qui lâcha le groupe au beau milieu de celle-ci. Hé oui, Moore l’enfant terrible, qui avait intégré la bande pour l’enregistrement de cet album et qui avait déjà traîné sa six cordes avec le groupe durant quelques petits mois en 1974 et de l’hiver 1976 à l’été 1977 quand il fût question de remplacer Brian Robertson qui s'était fait virer par Lynott après une blessure à une main un soir de beuverie.
On commence avec Do Anything You Want To. Ici, on retrouve les guitares mélodieuses, une inspiration irlandaise, une batterie tribale et une mélodie entraînante. Simplicité et efficacité, voilà les maîtres-mots de ce fameux titre d’ouverture, suivi de Toughest Street In Town qui place savamment autour de sa trame classique, des chœurs chaleureux et entraînants. Ce morceau est peut être le plus faible du disque.
Passons maintenant à S & M dont la rythmique incongrue du morceau peut surprendre comme la voix de Lynott par moments haut perchée soutenue par des chœurs féminins inhabituels se muant par moment en cris évocateurs. Judicieusement calé derrière cette surprise musicale, déboule l’incontournable Waiting For An Alibi, tube fédérateur qui accompagna sur scène la fin de parcours du groupe et qui possède une imparable mélodie, suivi de Sarah, une bien belle ballade qui connaîtra un succès notable. La guitare sèche sait se faire enchanteresse pour nous conter cette histoire où les rapports père/fille sont évoqués simplement mais pertinemment.
Gardons pour la fin Got To Give It Up, porté par la voix profonde et sensuelle de Lynott aux soli jouissifs et au break frissonnant et bien sur Black Rose, véritable cataclysme musical, certainement une des dix meilleurs chansons de Hard Rock de tous les temps. Sept minutes dantesques balancées sur un fond de mélodie irlandaise fantastique, des dialogues de guitare échevelés assénant des notes enchanteresses et une fin possédée déversant un maelström mélodique époustouflant.
Que dire de plus de ce grand disque, si ce n’est que l’on y ressent une certaine maturité dans l’écriture et la naissance d’une profondeur plus notable dans l’approche des textes. Phil Lynott commence à se confier. "Black Rose" est un passage obligatoire dans la discographie sous-estimée de Thin Lizzy et permet de rappeler a quel point Phil Lynott était un frontman incroyable.