‘Milo’s Craving’ est un duo d’allemands, composé de la belle rousse Katrin Elfman et de son acolyte chevelu Klaus P. Rausch. La première est chanteuse mais également très prolifique et éclectique d’un point de vue artistique : visiblement elle pousse la chansonnette, plutôt bien, elle est multi instrumentiste, compose un tas de chansons (pour elle et pour d’autres) et trouve aussi le temps d’écrire des romans de science-fiction. Le second est un ingénieur du son qui en plus de manipuler les manettes sait assez bien pianoter sur les claviers (ceux avec des touches noires et blanches). Pour jouer leur musique, ils se sont apparemment entourés de quelques amis en guests.
Avec ce premier album, intitulé ‘The More You Know’, le duo Elfman/Rausch développe un rock progressif bien léché, intégrant de nombreuses autres composantes, les principales étant la pop, le métal, le jazz et l’électro. Parmi les multiples ambiances créées, ils nous proposent aussi quelques digressions symphoniques, mélancoliques, des rythmiques énergiques et pêchues, des breaks bluesy et jazzy ainsi que des envolées vocales flirtant avec des saveurs orientales. Les références et ressemblances les plus frappantes sont Spock’s Beard, Kansas, Amarok (pour la voix très proche de celle de Marta Segura), Rush et également Phideaux sur certains passages symphoniques… Concernant le chant, il est assez remarquable : puissance, finesse, intonations orientales, un joli grain oscillant entre graves et aigues avec un grand talent d’interprétation et une expressivité remarquable.
Dès le premier titre, la barre est placée assez haut : ‘Prince of Darkness’ est une magnifique pièce de près de vingt minutes divisée en trois chapitres. En fait, ce titre est une parfaite synthèse de la richesse des compositions du duo. Toutes les ambiances produites ailleurs y sont représentées avec une structure sophistiquée alternant avec brio les sections douces et les sections musclées et accrocheuses.
‘Time Machine’ est une courte plage instrumentale démarrant sur une ambiance électro se déclinant en couleur jazzy avant de déraper sur une cassure au piano et terminer sur des sons de sitars. Notons que les deux duettistes s’illustrent par les arrangements opérés aux claviers : cet instrument semble être l’instrument de prédilection qu’ils partagent tous deux, ça se ressent et ça s’entend.
‘Haunted House’ est aussi une pièce longue de près de dix minutes. Pour entrer dans l’ambiance voulue d’une maison hantée, elle débute par une petite musique de piano rendue légèrement angoissante par son phrasé, des nappes de synthés et des bruitages annexes. Cette composition comporte plusieurs sections savamment orchestrées : un riff amenant le thème principal avec un renfort d’arpèges, une voix lyrique et arabisante, très mélodique et efficace. La basse se fait d’ailleurs plus présente sur certains passages du morceau, juste avant d’embrayer sur une deuxième partie qui se veut plus planante et aérienne : une sorte d’interlude symphonique à la Phideaux. Cet excellent titre se clôture sur le thème développé en ouverture. On notera plus particulièrement la partie alternant un solo de clavier et un solo de guitare (schéma que l’on retrouve sur d’autres titres de l’album).
‘Pictures and Voices’ est quant à lui un titre plus orienté rock/pop. En effet, il est plus facile d’accès, avec notamment un refrain qui rentre bien dans la cervelle. La force de ce titre réside dans l’alternance de refrains et de couplets instrumentaux développant différentes ambiances : couleurs mélancoliques, instrumentations jazzy… Le couple de solos synthé/guitare s’exprime à nouveau pour notre grand plaisir dans des sections instrumentales très progressives.
‘Wings of Stone’ est l’une des pièces les plus linéaires de l’album, la moins relevée et épicée en fait. Après une introduction vocale lyrique ouvrant sur un interlude de guitare acoustique sur lequel s’appuie une rythmique en overdrive, la voix développe des lignes mélodiques légèrement popisantes. Un peu lisse à mon goût et par rapport aux précédentes compositions.
‘Drawn the Line’ est un morceau plutôt atmosphérique introduit par un piano qui sert de terrain d’expression à des lignes vocales très mélancoliques.
‘Come Out’ développe un refrain chantant du même type que celui de ‘Pictures and Voices’ sur une refrain rock et des couplets aux accents plus pop. Comme pour ‘Wings of Stone’, ce titre est assez linéaire, le plus formaté, commercialement parlant… On notera cependant un bon druming et le couple clavier/guitare qui clôture le morceau.
L’album se termine avec ‘Will You ?’, une ballade amenée par un piano sur laquelle le chant et la basse s’ajoutent à des arrangements soignés pour finalement digresser sur un passage remarquable aux saveurs jazzy/salsa avant d’atterrir en douceur sur quelques notes de piano.
Cet album est finalement une découverte sympathique pour un premier essai prometteur. Le duo se complète efficacement pour composer des chansons cohérentes, souvent sophistiquées, mélanges de diverses influences, d’ambiances énergiques et mélancoliques. Le point faible - car il en faut un - c’est un certain manque d’équilibre entre les titres. En effet, certains d'entre eux sont « en dessous » du reste, plus ‘légers’, plus ‘faciles’ et ‘édulcorés’ que les autres, tirant l’œuvre vers le bas. Pour ma part, je préfère le côté plus épicé des compositions du groupe...