Panzerballet est un groupe allemand de jazz et de heavy métal. Contrairement à la pratique de nombreux groupes actuels (comme le fit si bien Ark avec le flamenco), il ne s’agit pas d’introduire quelques éléments de jazz sur une base métal, mais bien plutôt de réaliser une fusion parfaite, sur une base avant tout jazz, entre ces deux genres qui s’accordent bien mieux qu’on ne pourrait le croire. Avec Starke Stücke, le quintet, entouré pour l’occasion d’une dizaine d’invités, nous propose un mix de compositions originales et de reprises diverses, dont la particularité la plus marquée est de n'appartenir que très peu au monde du jazz. Si l’on trouve une reprise de Birdland (Weather Report), le reste renvoie à une sensibilité hard-rock et métal très affirmée : Deep Purple, Scorpions, AC/DC, Black Sabbath. Si l’examen des pistes de l’album semble donc prometteur, qu’en est-il de la musique en elle-même ?
Le premier morceau donne le ton : le groupe s’offre une somptueuse mais peu orthodoxe reprise de La Panthère Rose, avec un riff saturé qui annonce le thème, développé au saxophone. La première partie du morceau est une alternance entre riffs efficaces et expositions multiples du thème, entrecoupée de fulgurances rythmiques saxophone/guitare posées en fin de phrasé, dont le groupe sera friand tout au long de l’album. La seconde partie, plus apaisée, met en valeur les talents de soliste du guitariste sur une base nettement jazzy, avant un long solo de basse appuyé par un accompagnement plus dissonant qui n’est pas sans rappeler les morceaux atmosphériques de Naked City (écouter l’album "Absinthe"). Puis la piste se conclut sur un retour au thème dans une optique métal. Le second morceau est composé par Jan Zehrfeld, le guitariste et leader du groupe ; la référence au heavy métal est plus présente et nous pouvons, ébahis, assister au milieu du titre à un superbe duel jazzy entre la guitare et le saxophone, soutenu par une rythmique extrêmement lourde. Le meilleur reste à venir, à savoir un hurlement death du plus bel effet qui surprendra mais réconciliera ceux d’entre vous jusqu’alors allergiques à l’extrême.
Le premier titre marquant est d’ailleurs "Friede, Freude, Fußball", dont le riff d’ouverture rappelle la scansion d’un slogan quelconque. Le saxophone, entre développements mélodiques sarcastiques, rythmiques funky et longues improvisations jazzy, se révèle comme un apport essentiel à la musique jouée par le quintet. Les guitaristes ne sont pas en reste et passent sans difficultés de rythmiques heavy à des arpèges apaisés, sans oublier les soli, toujours très techniques. La partie la plus jouissive du morceau, parce qu’elle rompt avec l’ambiance générale, qui, quoique métal, ne s’aventure pas sur des terres plus sombres, reste la minute conclusive, farouchement death, portée par le chant de Andy Lind, invité sur ce titre. Le batteur en profite pour faire montre de son talent et de sa technique (la double est de sortie!) et prouve qu’il peut être aussi à l’aise sur des rythmiques bien violentes que dans des passages jazz où le jeu avec balais est de rigueur. "Dreamology", autre très belle pièce composée par Zehrfeld, avoue une tonalité générale très métal mais semble construite autour de codes beaucoup plus jazzy : introduction d’un thème longuement développé sur diverses tonalités, puis rupture par un superbe solo de saxophone qui vire progressivement vers le funk ; la guitare prend le relais, en son clair sur suite d’arpèges, avant que la section rythmique, au prix d’un travail fantastique, ne fasse monter la tension, ouvrant le passage à un solo très mélodique au clavier ; enfin, sur un riff plus lourd, le batteur s’offre un solo qui se conclut sur un ensemble de breaks absolument terrifiant de technique.
Quant aux reprises, elles ne jurent pas avec le reste de l’album. Exclusivement instrumentales, elles s’éloignent nécessairement des originaux et semblent les enrichir par de longues digressions jazzy du meilleur effet. Les thèmes sont naturellement mis en valeur, et au plaisir de la découverte d’un groupe extrêmement inventif, technique et sensible, s’ajoute celui de la reconnaissance/redécouverte de morceaux essentiels à l’histoire du hard-rock et du heavy métal. Un album qui ne souffre donc d’aucun autre défaut que celui peut-être de perdre l’auditeur peu habitué à la fusion de ces genres si différents que sont le jazz, le funk, le hard-rock et le métal. Une réussite incontestable…