Originaire du New-Jersey, Ill Nino est une formation plutôt cosmopolite composée de musiciens dont les origines prennent naissance en Amérique Latine. Formé en 2000, ce groupe bénéficie d’une notoriété non négligeable dans le milieu néo-métal, avec quatre productions discographiques à son actif, dont le dernier en date " One Nation Underground" fut distribué par le label Roadrunners Records en 2005. Relativement silencieux depuis la rupture avec ledit label, à l’exception d’un mini-LP de reprises sortit en 2006, Ill Nino entame son retour avec ce cinquième opus dénommé "Enigma".
Ce combo jaspé affiche une stabilité notoire au niveau du line-up depuis sa dernière production. Voilà qui devrait conférer à "Enigma" un élan accru du côté de la cohésion prodiguée à travers les treize titres proposés. Et effectivement, la première écoute fait ressortir un groupe soudé et les quelques tracasseries dues au changement de label sont corps et bien aux oubliettes. Côté moral de la troupe, le baromètre s’affiche donc au beau fixe. En est-il de même sur les plages musicales composant "Enigma" ?
L’immersion dans l’univers d’Ill Nino version "Enigma" s’assimile à un groupe qui s’assume sans complexe et avec une évidente personnalité dans un néo-métal résolument atypique qui a bâti sa réputation. L’idée d’intégrer des percussions latines, des paroles anglaises et hispaniques en parallèle aux rythmes de batterie syncopés dégagent un certain cachet non dénué d’originalité. D’autre part, les riffs assénés par les deux guitaristes font entrer de plein fouet dans une atmosphère tendue où la voix gutturale de Cristiàn Macho vient rappeler qu’on est pas là pour rigoler.
Dès le morceau d’ouverture "The Alibi Of Tyrant", relativement prévisible, ce climat explose aux tympans pourtant déjà bien rôdés de l’auditeur. "Hot Summer's Tragedy", complété par quelques touches "indus" sur l’introduction et "Compulsion Of Virus And Fever" confortent cette imbrication de sonorités électriques et de rythmes tribaux, accentuée par des refrains facilement mémorisables. "March Again Me" s’inscrit dans un courant plus nuancé, avec en prime un solo bien senti et très mélodieux. Le registre métal ne s'estompe que temporairement sur "Finger – Painting (With My Enemy)", qui évolue dans un sillage plus raffiné, mais néanmoins réussi grâce une fois encore aux notes déliées et déposées avec feeling du soliste. Ces cinq titres de bonne tenue, sans être totalement irréprochables, confortent sur le bien fondé du retour d’Ill Nino sur la scène internationale. Qui plus est, "2012" s’inscrit clairement dans une dynamique de tube radiophonique. L’introduction lourde et lascive, la voix moins rauque et plus ronronnante, le couplet/refrain bien entraînant peuvent garantir à ce titre une légitimité commerciale sans fourvoyer le groupe à un statut de racoleur d’ondes hertziennes.
Mais le temps se gâte sur la deuxième partie de cette production (question météo, normal pour une formation au nom approchant un phénomène climatique récurant et changeant). L’apport de ballades légères et sirupeuses comme "Formal Obsession" et "Me Gusta La Soledad" sur lesquelles le chanteur semble avoir avaler une antenne FM, implique une sévère baisse de régime à l’ensemble de cet album. Même si leur interprétation reste de qualité, ces deux titres plombent l’ambiance. A la rigueur, en terme de ballade obligatoire, "Formal Obsession" aurait largement suffit. En outre, les titres métalleux et hargneux sont plus poussifs et passe-partout, à l’image de "Pieces Of The Sun" et "De Sangre Hermosa". Ill Nino donne à ce moment l’impression de tourner en rond mais fort heureusement que "Estoy Perdido" vient pimenter l’atmosphère avec un solo séducteur et harmonieux.
En conclusion, malgré les quelques faiblesses en milieu et fin de parcours, "Enigma" reste un album intéressant dans le style néo-métal où la gymnastique des cervicales fonctionne en tout bien tout honneur. Cet album ne décevra en aucun cas les fans de toujours d’Ill Nino et devrait permettre logiquement à des plus novices du "Headbanging" de tenter une incursion dans ce courant métallo-bigarré. Car le contenu de cette galette, assez réjouissant tout de même, vaut son pesant de décibels et de mélodies à se caler entre les oreilles.