11 ans que Whitesnake ne nous avait pas offert d’album studio, et encore s’agissait-il d’un « Restless Heart » plutôt mou du genou. Autant dire que ce « Good To Be Bad » était attendu dans le landernau des fans du hard-rock mélodique et de la voix légendaire du sieur Coverdale. Pour cette résurrection du Grand Serpent Blanc, le maître s’est entouré d’une nouvelle dream-team avec deux pointures aux six-cordes comme figures de prou. En effet, la paire d’as n’est composée, ni plus ni moins, que de Doug Aldrith (ex Lion, ex Bad Moon Rising, ex Dio) et Reb Beach (ex Winger, ex Dokken). Vous excuserez du peu… Reste donc maintenant à savoir si le résultat est à la hauteur de l’attente et de la réputation du trio de première ligne.
Mettons donc un terme à cette insoutenable attente pour vous donner nos premières impressions et autant dire que c’est une grosse claque qui nous surprend dès les premières paroles de « Best Years » ouvrant cet album. En effet, David Coverdale, la légende, celui qui n’avait qu’à faire vibrer ses cordes vocales pour mettre toutes les femmes à ses pieds et rendre tous les amateurs de vocalises en admiration, le grand David Coverdale a perdu sa voix. La nouvelle est insoutenable et pourtant, c’est la dramatique vérité. Alors bien-sûr, il ne marche pas désormais sur les plate-bandes de Pascal Obispo et autres chanteurs à voix de fausset, mais son organe (vocal bien sûr !) s’est voilé et est devenu nettement plus rocailleux, au point qu’il est à l’origine de réels doutes quant à l’identité du chanteur lors des premières minutes d’écoute.
Une fois ce choc passé, il est temps de se concentrer sur le contenu musical de ce « Good To Be Bad » qui reste un album dans la moyenne des productions de Whitesnake. Ni mauvais, ni transcendant, il reste dans la mouvance plus heavy des « 1987 » et « Slip Of The Toungue », mais avec une légère résurgence des racines blues des origines dont « A Fool In Love » est le meilleur exemple. Par contre, la ballade mid-tempo « All I Want All I Need » reste dans la mouvance des tubes « Is This Love » ou « The Deeper The Love » des albums précédemment cités, alors que le break aérien et la montée en puissance pré-solo de « All For Love » nous renvoient directement à « Cryin’ In The Rain ». Si la qualité de ce passage peut magnifier ce titre pour certains, il a également tendance à le priver de son originalité pour d’autre. Et tant que nous sommes dans les références à la doublette d’albums les plus commerciaux de Whitesnake, nous signalerons également la structure rythmique de « Lay Down Your Love » qui n’est pas sans rappeler celle d’ « In The Still Of The Night » et l’intro du titre éponyme qui renvoie directement à celle de « Kittens Got Claws ».
Ces multiples références ne privent cependant pas « Good To Be Bad » d’une identité propre. La doublette d’ouverture constituée de « Best Years » et « Can You Hear The Wind Blow » nous plonge dans un excellent hard rock mélodique à la rythmique heavy-blues, même si le second titre a une légère tendance à s’étirer un peu en longueur. « Call On me » et son excellent solo, et « Got What You Need » viennent prouver que le groupe est capable de dégager une bonne dose d’énergie lorsqu’il accélère le rythme. Enfin, les deux ballades que sont « Summer Rain » et la folk-countrysante « Til The End Of Time », bien que dégageant un potentiel émotionnel, ont malheureusement le défaut de mettre en exergue les inhabituelles difficultés vocales de David Coverdale.
Alors bien sûr, nombreux seront ceux qui jugeront que le même album aurait été jugé avec plus de clémence s’il avait été l’œuvre d’un groupe moins légendaire, alors que d’autres argueront que ce statut préserve Whitesnake d’un lynchage à la hauteur de la déception. Pour ma part, je me situerai entre ces deux positions en restant un peu sur ma faim mais également en n’oubliant pas le respect qu’une telle légende peut inspirer et qu’un album d’un niveau malgré tout supérieur à la moyenne ne pourra pas ternir.