ARTISTE:

DAWN

(SUISSE)
TITRE:

LONELINESS

(2007)
LABEL:

AUTOPRODUCTION

GENRE:

ROCK PROGRESSIF

TAGS:
Chant aigu, Expérimental, Old School, Planant, Psychédélique, Symphonique
""
SMILE (26.03.2008)  
4/5
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Dans un petit pays comme la Suisse, rares sont les formations musicales à voir le jour. Au sein du royaume progressif, cette particularité relève de l’exception. A tel point que l’émergence de « Dawn », issu d’un courant artistique aux charmes inépuisables et éternels, (de « Genesis » à « King Crimson », en passant par « Pink Floyd »), demeure, pour notre esprit avide de curiosité et de découvertes, une invitation au voyage. Aussi, avec un plaisir et un enthousiasme non feints, nous pénétrons « Loneliness », premier chapitre d’une nouvelle histoire qui ne demande qu’à s’écrire.

Créant sa propre musique depuis près d’une dizaine d’années, « Dawn » n’en est toutefois pas à ses premiers soubresauts. Par le biais de plusieurs concerts aux prestations remarquées, dont des participations aux « Progsol » en 2006, aux « Montreux Prog Nights » en 2007 et des premières parties de « Fish » et de « Kansas », la formation romande s’est non seulement forgée un nom, mais a eu tout loisir de conceptualiser et de peaufiner les contours de son monde intérieur, de sa sphère intime. Avec ce premier album, « Dawn » décide de matérialiser cet univers et de nous offrir l’opportunité de pénétrer en son cœur pour en appréhender les multiples richesses.

Dès les premières notes, nous sommes aussitôt happés par une atmosphère délicieusement « seventies », évoquant le spectre de « Genesis » période « Foxtrot » et « Selling England », ressuscitant avec éclat et splendeur la grâce des claviers autrefois possédés par la magie et les dons de l’incontournable Tony Banks, dont le souvenir est magnifié par le talent d’un Nicolas Gerber aux doigts enchanteurs et à l’interprétation étonnante de maturité et de prouesses. Un retour dans le passé particulièrement bienvenu tant le créateur semble, aujourd’hui, tout mettre en œuvre pour continuer son chemin sans se retourner sur ses pas. Le titre éponyme est ainsi une exquise ouverture au cœur d’une contrée noyée par les flots d’une atmosphère emplie d’envolées lyriques fascinantes, de plages instrumentales au symphonisme subtil et aux mélodies soyeuses et veloutées. Un morceau rigoureusement et intelligemment construit, au sein duquel la basse, les synthés, les mesures rythmiques et les portées vocales s’enchaînent admirablement, faisant naître de ce mariage harmonieux un ensemble habilement pensé.

Le doux souffle du vent s’immisce dans les entrailles de cet éden à l’abord de « Rain Of The Moon » dont les habiles variations ne font qu’immerger nos sens encore plus profondément dans le charme et l’enchantement. La guitare aérienne de René Degoumois réanime le génial Steve Hackett et s’épanche dans un solo au demeurant fort séduisant, aux textures planantes et aux pouvoirs ensorcelants. Un monologue émouvant duquel il s’avère particulièrement difficile de s’extirper. Seule l’amplitude du chant final parvient à ramener notre conscience à une réalité davantage matérielle, aux sonorités plus froides et austères laissant échapper un gémissement brutal, dissonant, volontairement irritant d'une machine dont l’âme dénuée de vie semble nous plonger dans l’obscurité et nous perdre dans le néant : « The Brook », long morceau fortement instrumental et parfaitement soutenu par le mouvement inspiré d’une basse, dont la rythmique peut évoquer « IQ », « Pendragon » ou « Camel », fusionnant subtilement avec la guitare et le piano. Les bruitages psychédéliques, aux réminiscences « floydiennes » du début des années soixante-dix (« Ummagumma »), confère au climat un air à la fois menaçant et enveloppant. Cette dualité entre la lumière et les ténèbres, entre l’espoir et le désespoir, entre l’aube et le crépuscule est omniprésente et prête vie à l’ensemble de cette œuvre ; « I watched this sweet light / which didn’t shine for me / the light lives / and me… I dream about living ». Cette opposition se plaît-elle à questionner le sens de notre condition humaine ? Le propos, amer et médusé, est, à l’ère du vide et de l’individualisme contemporain, pour reprendre l'expression du célèbre sociologue français Gilles Lipovetsky, plus que jamais d’actualité. A travers la privatisation élargie, l’érosion des identités sociales, la désaffection idéologique et politique, la déstabilisation accélérée des personnalités, peut-on encore revendiquer et proclamer une identité bien définie ?

« The Story Of Nobody », titre de plus de dix-sept minutes dont l’intro met en lumière la libre expression d’une batterie totalement expérimentale (rappelant avec splendeur que « Dawn » est avant tout un groupe de scène) semble être la métaphore et l’illustration de cet abîme dans lequel l’essence de notre âme est amenée à disparaître. Contraste encore avec « Loneliness » et son ambiance atmosphérique et mélancolique qui nous berce tantôt dans la plénitude, tantôt dans l’inquiétude, nous abreuvant d’un air invitant à la rêverie et à la contemplation tout en évoquant la tristesse d’une âme en peine, délaissée et désabusée. La dernière escale de notre voyage, « Dusk », illuminée par une brillante reprise au piano du thème d’ouverture, vient parachever notre périple dans l’enivrement et la béatitude.

Notre pèlerinage au sein de « Loneliness » nous a ainsi permis de vivre une expérience humaine emplie d’intenses émotions, allant du ravissement à l’émerveillement. Certes, l’univers de « Dawn » n’est pas exempt de tout reproche. On pourra désapprouver certaines longueurs, notamment sur les titres « The Brook » et « The Story Of Nobody », dont certains passages semblent parfois se répéter inutilement, rendant l’écoute plus difficile et par moments ennuyeuse. On se surprend alors à s’interroger sur la pertinence de ce déversement superflu. Et puis, il y a cette voix hautement perchée, contrainte d’évoluer dans le répertoire aigu qu’impose ce genre musical (à l’image d’un « Radiohead ») et qui semble la retenir prisonnière. Elle semble ainsi évoluer parfois à contre-emploi, manquant d’agressivité, d’originalité et de personnalité. Les textes écrits en anglais et interprétés avec un accent français relativement marqué pourront également irriter, ou au contraire, charmer, cela dépendra peut-être des origines de quiconque s’aventurera au sein de cet univers.

Bien que souffrant encore de quelques petites imperfections, « Loneliness », la première offrande de « Dawn », est un album à l’atmosphère proprement fascinante, à la maturité surprenante, dont l’intensité émotionnelle est enrichie par une production de qualité et par l’interprétation maîtrisée de musiciens performants et complémentaires. Un univers au sein duquel règnent en déesses une créativité et une liberté artistiques propres à animer les élans de vie qui nous inspirent. Une œuvre qui devrait éveiller l’intérêt des amoureux d’un rock progressif seventies transcendé par des influences divines et mythiques. Un ouvrage, enfin, qui mériterait d’accaparer davantage l’attention du monde musical, tant il regorge de richesses parfaitement délivrées au détour d’un perfectionniste et d’une rigueur de premier plan. Dans un pays où la neutralité du jugement impose la modestie et bannit toute enthousiasme immodéré, gardons-nous de tout engouement excessif, mais osons affirmer avec conviction et assurance que « Dawn », dont l’expérience acquise avec le temps permettra sans nul doute de gommer certaines imperfections, est promis à un avenir des plus radieux.


Plus d'information sur http://www.dawnprog.com



GROUPES PROCHES:
GENESIS, AGUENAOU, TORRENT, KING CRIMSON, IQ, CAMEL


LISTE DES PISTES:
01. Dawn - 05:10
02. Rain On The Moon - 07:44
03. The Brook - 11:21
04. Loneliness - 04:09
05. The Story Of Nobody - 17:53
06. Dusk - 04:20

FORMATION:
Julien Vuataz: Basse
Nicolas Gerber: Claviers
Patrick Dufresne: Batterie
René Degoumois: Chant / Guitares
   
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