Quand un instrumentiste sort un premier album, et c’est d’autant plus vrai pour les guitaristes, celui-ci est très souvent empreint des multiples influences dudit guitariste. Sans être un album hommage, There's Hopes laisse poindre volontairement et parfois inconsciemment la présence de grands musiciens que Marco Sfogli a écouté et sur la musique desquels il a progressé.
L’anecdote raconte que Marco a commencé la guitare pour l’abandonner rapidement au profit de la batterie, pour y revenir et ne plus jamais lui être infidèle depuis l’âge de 16 ans. Ce parcours lui a enseigné la rigueur du rythme et son jeu s’en est trouvé enrichi d’une justesse et d’une précision qui font de lui un des guitaristes les plus prometteurs de ces cinq dernières années. Ce jeune italien de 28 ans a fait une entrée très remarquée dans le système en étant le guitariste de James LaBrie sur son album solo Elements Of Persuasion et sur la tournée accompagnant la sortie de l’album. Depuis l’expérience LaBrie, le nom de Marco Sfogli a beaucoup circulé dans les discussions et les couloirs des studios, et ainsi l’italien a participé a pas mal d’albums au côté de grands noms tels que Simon Phillips, Randy Coven ou sur le dernier Macaluso.
Pour en revenir à There Hopes, la liste des participants est assez conséquente pour un premier album, signe de l’intérêt positif que Marco suscite autour de lui. Citons par exemple John Macaluso ( batteur de Ark) ou Matt Guillory (clavieriste de feu Dali’s Dilemna et Mullmuzzler).
Comme indiqué en introduction, There's Hopes est parfois coloré d’influences diverses de Marco. On reconnaîtra l’ombre d’un autre chauve aux lunettes noires sur « Farewell », le fantôme de Dream Theater sur « Sunset Lights » ou les réminiscences du hard mélodique des années 80 dans « Still Hurts ». Marco ose même « pomper » une progression d’accord contenu dans le morceau « Killing Hand » du Live At The Marquee de Dream Theater dans un passage de « Sunset Lights ». C’est fait avec talent mais l’oreille capricieuse ne se laissera pas abuser.
Malgré tout, ne crions pas au scandale car la tendance générale n’est pas au plagiat ni au manque de cohérence. Marco Sfogli impose très fortement son propre style même dans les morceaux cités au-dessus. On est loin des albums-copie-carbone de certains guitaristes que nous ne dénoncerons pas (qui a dit Alan Morse ?…)
On doit même avouer que cet album est plein de surprises et que Sfogli sait nous faire oublier ses références grâce à une inspiration très personnelle. There's Hopes est définitivement très moderne dans les compositions comme dans le jeu. Un jeu que l’on pourrait aisément comparer à John Petrucci, avec un supplément d’âme que n’a pas toujours eu le new-yorkais. En effet, Marco Sfogli reste très tempéré dans ses prises de position pour distiller avec mesure ses notes et ses harmonies.
Au hasard des écoutes vous aurez le plaisir d’entendre un blues très enlevé et pas ennuyeux du tout (« Spread The Disease »), de belles ballades bien douces à la Steve Lukather (« Memories ») ou plutôt énergiques (« Seven »), une belle réussite avec la fusion-métal typée Planet X avec « Genius » ou les instrumentales bien puissantes à la Liquid Tension Experiment (« There’s Hope », « Andromeda »). Le dernier morceau, « Texas BBQ », est une inspiration country, style qu’affectionne Marco, non sans nous rappeler les digressions d’un des guitaristes les plus polyvalent qui ait existé, Steve Morse.
L’ajout judicieux des claviéristes Matt Guillory et Alex Argento vient épaissir les compositions en leur donnant une très forte valeur ajoutée, « Andromeda » en est le meilleur exemple. On sent que les morceaux ont du corps et une densité qui amplifient d’autant plus le plaisir de l’écoute par rapport à quantité de productions instrumentales que nous qualifierons d'indigeste. Pour filer la métaphore culinaire jusqu’au bout, There Hopes serait un plat assez classique qui plait à coup sûr et extrêmement bien cuisiné.
Pour un premier album, Marco Sfogli frappe un grand coup avec There's Hopes, recueil de titres instrumentaux très convaincants et très légers. On ne s’ennui pas une seconde durant les près de 50 minutes que dure le disque. On avait l’impression que tout avait été dit ou presque avec une guitare depuis Vai ou Ron Thal et que peu de jeunes guitaristes étaient encore capables de passionner l’auditeur avec du matériel nouveau. Steve Stevens avec son dernier album ou Dave Martone avec When The Aliens Come il y a quelques mois ont réveillé un genre musical endormi et parfois ennuyeux et on ne peut que s’en réjouir. Soyez sûr que There's Hopes sera un des grands disques de cette année dans la catégorie “album de guitariste virtuose instrumental”.