Il est couramment admis dans le milieu musical que l’étape du troisième album est souvent déterminante dans le déroulement de carrière d’un groupe. Voyant cette échéance se profiler, Gotthard n’envisage pas d’échouer après le succès de ses deux premiers opus. Chris Von Rohr est donc reconduit à la production et nos 4 helvètes prennent à nouveau la direction des States pour s’enfermer cette fois-ci à Los Angeles, dans les A&M Studios.
Le résultat est un parfait équilibre entre les 2 albums assaisonné de quelques touches plus commerciales laissant apercevoir de possibles prochaines évolutions. C’est ainsi qu’en plus du retour discret des claviers, Gotthard nous gratifie de 4 ballades, ce qui pourrait paraître un peu trop si l’album n’était pas composé de 14 titres. Lorsqu’en plus, l’une de ces ballades et l’incontournable "Let It Be", portée par un Steve Lee en état de grâce et au mid-tempo restant dynamique, toutes les craintes de voir le groupe virer à la guimauve s’évaporent. En plus, Leoni & cie ont la bonne idée de nous servir ces titres par paires, ce qui évite de briser trop souvent la dynamique de l’album. Ainsi, "Father Is That Enough ?" qui accompagne "Let It Be" conserve une énergie équivalente sur fond d’orgue Hammond et avant un final en chorale du meilleur effet.
Mais avant d’en arriver à cette paire d’as, Gotthard nous met directement dans le bain de son excellent hard-rock dynamique et pêchu avec, entre autres, une reprise du "Mighty Quinn" de Bob Dylan où nos Suisses réussissent à faire un hymne hard-rock d’un morceau folk. En effet, Lee, Leoni et leurs acolytes savent s’y entendre lorsqu’il s’agit de nous balancer quelques brûlots gorgés d’énergie et dotés de riff percutants tels que "Movin’ On" ou le parfaitement bien nommé "Fist In Your Face" où Leoni réussit à nous glisser quelques accords du "Unholy Love" de la belle Doro juste avant un de ces solos dont il a le secret. Tout en gardant cette dynamique, Gotthard est également capable d’apporter un côté légèrement festif à des titres comme le gros blues rock’n’roll de "Sweet Little R’R’" et ses accords de piano ou sur un "Hole In One" à l’intro d’orgue et à la batterie groovy. Et la palette des 4 Suisses semble sans limite lorsque ces derniers alourdissent le tempo sur un "In The Name" puissant et heavy alors, qu’au contraire, ils venaient de lâcher les chevaux sur un "Ride On" décoiffant.
C’est sur 2 ballades semi acoustiques que nos amis nous font atterrir en douceur avec "One Life, One Soul" qui deviendra un titre incontournable de leur répertoire, et avec "He Ain’t Heavy, He’s My Brother", reprise des Hollies datant de la fin des années 60 et dont le principal fait d’arme fut d’apparaître au générique de fin de Rambo III.
C’est donc sans encombres que Gotthard franchit cette épreuve en faisant preuve d’une parfaite maîtrise de son art. Nos amis semblent ainsi s’installer durablement parmi les leaders du genre, en s’appuyant sur une interprétation sans faille et sublimée par un Steve Lee dont les performances sont à classer aux côtés de celles de son idole David Coverdale dans un subtile équilibre de puissance et d’émotion. Les montagnes suisses n’ont donc pas accouchées d’une souris, mais bien d’un excellent groupe et d’un chanteur de classe mondiale.