Dix ans d’existence pour Unjust, groupe californien originaire de San Francisco, et quatrième album auto produit avec "To Lose A Name". C’est quand même étonnant de constater qu’après une décennie d’existence et une notoriété substantiellement en puissance , Unjust distribue son dernier opus par le biais d’un label indépendant. Le précédent, édité en 2004 et intitulé "Glow", avait été diffusé par l’intermédiaire du label Koolarrow Records, chapeauté par l’ex bassiste de Faith No More, Billy Gould. Est-ce pour retrouver une forme d’esprit insubordonnée et plus indépendante qu’Unjust a décidé d’auto produire sa nouvelle création ? Ou est-ce tout simplement par manque de moyens ?
Deux interrogations auxquelles il convient donc de répondre et immédiatement la deuxième hypothèse, qui pourrait cependant apparaître comme la plus plausible, est à bannir corps et bien car déjà, aucune carence n’est à constater du côté de la production et cet élément primordial est souvent révélateur quant aux possibilités financières dont disposent les musiciens. Le son est même robuste, accompagné d’un mixage ne laissant aucun instrument en arrière plan. Ainsi, les ressources nécessaires ne font pas défaut à Unjust et ce constat est encourageant pour la suite des événements.
Voilà qui amène à la première question et sur les motivations de ce combo à s’épanouir à travers un univers rebelle dans lequel auto production rime avec auto satisfaction. Les douze pistes proposées peuvent largement en témoigner. Le rock dynamique et coloré d’Unjust s’inscrit dans un courant hétéroclite et s’inspire sur le fond de groupes comme Muse ou encore Faith No More mais également des embruns de la vague "Grunge" de Seattle d’où ont explosé les illustres Nirvana, Soundgarden et Alice In Chains.
Cette galette avoisinant les soixante minutes inonde de riffs distillés sous forme de giboulées aussi rafraîchissantes qu’inattendues. L’introduction de "Cloud Collectors", "In Search Of A Ghost", "It’s Not Enough" en sont des exemples frappants. Mais la mélodie sait se faire accrocheuse et caressante sur des morceaux comme "Choose Nothing" ou encore "The Red In The Fog", sans oublier de mentionner "Do You Really Like" dont les effluves vocales et six-cordesques ne demanderaient qu’à tomber dans l’escarcelle des Red Hot Chili Peppers.
La guitare est toujours saillante aussi bien en rythmique qu’en solo (" Wait For Me Now", "Sweet November"), le tandem basse/batterie nuance admirablement selon les thèmes en vigueur sur chaque titre et le chant touche tout particulièrement, modulé à souhait et sans en rajouter des tonnes. Le claviériste tisse sa toile de manière assez discrète sur le bondissant "Home" et le plus alambiqué "Reactions" mais ses notes se confondent à un vernis caractéristique et reconnaissable tout au long de cet album. La sensibilité et l’émotion trouvent également leur place sur "To Lose A Name", qui finalement n’en finit plus de réjouir au fil des passages dans le support numérique mis à disposition et dont le but est de se flatter outrageusement les tympans.
Si un doute subsiste encore au fin fond d’un esprit critique et pointilleux, "The Part" se révèle comme le titre le plus ambitieux de cet album sans pour autant faire de l’ombre aux autres morceaux. Dix minutes intenses, débutant sur un riff vaporeux et entraînant, suivi d’un break calme aux arpèges clairs avant de se fondre dans un climat aux instrumentations plus progressives. L’aboutissement à un finish plus nerveux, en conservant toujours une fibre mélodique discrète mais indispensable, accentue davantage la profondeur et l’impact de cette pièce.
L’irréfutable talent de cette formation éclate littéralement sur ce quatrième opus qui est en droit de faire reconnaître Unjust comme un groupe novateur dans ce style musical qui connaît un succès assez retentissant du côté de l’Angleterre. Avec leur expérience et leur savoir-faire, il serait "injuste" (en français dans le texte) que ces musiciens ne profitent pas enfin d’un succès et d’une reconnaissance hautement méritée. Vous voici maintenant prévenus et surtout essayez de ne pas passer à côté de "To Lose A Name" car vraiment cette galette en vaut la peine et il serait d’autant plus regrettable qu’au bout de dix ans d’existence, Unjust change de nom simplement pour conjurer un éventuel mauvais sort en terme de réussite commerciale.