C’est bien peu de dire qu’après 7 années de silence discographique, le nouvel album des Black Crowes était attendu avec impatience, surtout après un "Lions" très mitigé et alors que le guitariste Marc Ford et le clavier Eddie Harsch ont quitté le navire. Mais mettons immédiatement un terme à cette angoisse étouffante qui vous étreint tous dans l’attente du diagnostic quant au niveau atteint par "Warpaint". Vous pouvez vous détendre et arborer votre plus beau sourire chauffé au soleil du sud des Etats-Unis car le plumage de nos corbeaux préférés a retrouvé tout son lustre.
Et c’est un véritable hommage à la musique de cette région du pays de l’oncle Sam que le gang des frères Robinson nous offre. Dès les premiers accords de "Goodbye Daughters Of The Revolution", la tradition des grands boogie-rocks, entamée sur les premiers albums avec les incontournables "Twice As Hard" ou "Sting Me", fait un retour tonitruant. C’est également l’occasion pour les petits nouveaux d’affirmer leur talent et la valeur ajoutée qu’ils apportent à la musique des Crowes. Luther Dickinson se met particulièrement en valeur grâce à ses lumineuses interventions de slide. Et c’est toute la palette du southern-blues qui défile devant nos oreilles hypnotisées par la chaleur de la voix d’un Chris Robinson revigoré par le long break du groupe. Du heavy-blues sombre de "Walk Believer Walk" au folk sudiste de “Whoa Mule” que quelques notes viennent conclure au son d’un accordéon, tout n’est que dynamisme maîtrisé et mélancolie distillée avec une émotion à fleur de peau. La ballade countrysante "Oh Josephine" en est le meilleur exemple alors que les guitares se donnent la réplique sur chaque enceinte pendant qu’Adam MacDougall enrobe l’ensemble d’harmonies de piano et d’orgue Hammond. Sans oublier sa compagne folk d’un "Locust Street" nous baladant dans les rues des quartiers pauvres de la Nouvelle-Orléans.
Mais si le sextet sait parfaitement nous faire fondre, il sait aussi devenir brûlant comme le soleil du désert en accélérant le tempo vers des rives boogie-rock ("Wounded Bird" et son refrain mélancolique) voir rock US à la Aerosmith ("We Who See The Deep" et son groove psychédélique). Il nous emmène vers des horizons religieux avec cette surprenante reprise du révérend Charlie Jackson ("God’s Got It"), blues-gospel arrangé à la sauce rock. En parlant d’horizon, il est également pétrifiant de le voir se troubler tel un mirage de chaleur pour laisser, petit à petit, s’avancer un "Movin’ On Down The Line" à l’intro digne de Doors sous ecxtazy et qui se transforme en un boogie blues rock US illustré d’interventions à l’harmonica et au final enflammé. C’est cependant vers des territoires plus calmes que ce voyage s’achève avec la ballade "There’s Gold In Them Hill" où le piano-clavecin se transforme en piano-bar sur une accélération digne d’un début de bagarre dans un saloon, suivie de "Whoa Mule" dont nous parlions précédemment.
C’est donc un retour gagnant que réussissent les frères Robinson, entourés par leurs 4 compagnons sudistes parmi lesquels Luther Dickinson et Adam MacFougall ont parfaitement trouvé leur place et qui font souffler un vent de renouveau sur la carrière des corbeaux-noirs. Il n’y a plus qu’à souhaiter que les bonhommes trouvent une certaine stabilité, qui leur faisait parfois défaut dans le passé, pour continuer à nous gratifier de nouvelles œuvres de cette envergure, tout en souhaitant qu’ils nous ferons enfin l’honneur d’une venue sur une ou plusieurs (ne rêvons pas trop tout de même) scène(s) françaises. Qu’on se le dise : les Black Crowes sont vivants et ils sont même en grande forme.