Un peu comme leurs compatriotes de Point of View dont le premier CD a été chroniqué par notre ami Rick dans ces colonnes, les polonais de Retrospective ont publié en 2007 leur premier disque avec ce "Spectrum of the Green Morning" après 1 démo, la seconde se transformant en ce court album (moins de 35 minutes).
Leurs influences avouées, à savoir Rush, King Crimson, Tool, Pink Floyd ou Porcupine Tree ne sont pas toutes perceptibles, mais ce qu’ils ne pourront pas nier c’est que Riverside en fait partie. Il y a en effet beaucoup de points communs avec leurs camarades polonais.
Une petite attention portée aux paroles permet de comprendre l’aspect globalement sombre de cette musique. Ne serait-ce que 'Pink Elephant Missed', qui traite du deal de drogue, pas très joyeux, ou 'Enemy World Vision', qui disserte sur le monde d’aujourd’hui dans toute sa noirceur.
'Enemy World Vision' justement, long titre aux relents de Porcupine Tree et Riverside est une perle qui débute gentiment, mais se voit vitaminée par des guitares saturées en parfaite harmonies avec l’ambiance. Les claviers, tenus par mademoiselle Beata Lagoda, sont utilisés en plage sonore ou en solo, pour parfaire des arrangements très matures. L’atmosphère du morceau est donnée par la voix de Jakub Roszak, qui, il est vrai, ressemble à celle de Mariusz Duda, bassiste et chanteur de Riverside. C’est encore plus frappant dans 'Some Kind of Hope', qui laisse un peu froid à la première écoute, mais qui est attachant après quelques passages dans la platine. Sentiment qui d’ailleurs s’applique à tous les titres tant cette musique est élaborée en profondeur. Pas complexe avec force breaks et instrumentaux s’enchaînant à la vitesse de l’éclair, mais plutôt dans la construction d’une ambiance, son installation dans l’esprit de l’auditeur, et ce qui en résulte. Une meilleure production permettrait certainement à ce jeune groupe sans label d’exprimer tout son talent.
L’instrumental 'Waking up in the Zoo' illustre parfaitement le savoir-faire de Retrospective. Guitares et claviers se donnent la part belle, jamais pour démontrer une quelconque virtuosité, mais bien pour créer un climat qui restera après la dernière note. Pour réussir cela, il faut savoir où l’on veut aller, car il est plus facile pour de jeunes musiciens doués de montrer qu’ils savent jouer que de se mettre au service de la musique. Il risque fort d’en rester plus au bout du compte.
'Regrets and Frightened Child' rappelle 'Some Kind of Hope' par sa ligne de chant. Les guitares claires qui créent le tissu sonore font penser à Twelfth Night, dans ce titre et dans d’autres. 'Have in Mind', qui ferme le ban, est un duo piano-chant dans lequel on retrouve cette atmosphère si particulière et légèrement morbide (la fin l’est beaucoup, mais je vous laisse la découvrir).
"Spectrum of the Green Morning" n’est qu’une démo, et, il faut bien l’avouer, une sacrée carte de visite. Se limiter à les comparer à Riverside serait injuste tant leur personnalité est intéressante. Mon seul espoir, que je sais partagé par bon nombre de collègues de MusicWaves, c’est de les voir rapidement signés par un label qui mettra en valeur ce groupe polonais et lui permettra de nous offrir une production à la hauteur de leur grand talent, et une vraie distribution, ce qu’ils méritent. Allez visiter leur site et si le cœur vous en dit, vous pourrez y acheter ce disque qui est difficile à trouver.