Il faut bien l’admettre, malgré les qualités indéniables du groupe, il faut vraiment en vouloir pour s’y retrouver dans sa discographie. Entre les versions australiennes, les versions spécifiques pour les Etats-Unis, celles pour le reste du monde, les rééditions et les changements de nom, seuls les aficionados collectionneurs auront la patience de se procurer l’intégralité des albums de The Angels sous toutes leurs formes. « Two Minutes Warning » existe en au moins 3 ou 4 versions différentes, et pourtant, malgré ce « foutoir », le quintet réussit encore à nous servir un album largement au-dessus de la moyenne. C’est à la version australienne d’origine que nous allons nous intéresser dans le cadre de cette chronique.
Cet album devait être celui qui installerait The Angels (ou Angel City selon les périodes) sur le marché US. Pour cela, les 5 australiens se rendent à Los Angeles, passent 3 mois entre différents studios et avec différents producteurs pour que rien ne vienne empêcher leur mise en orbite. Malheureusement, MCA ne s’investit pas derrière le groupe. L’absence de campagne publicitaire, le trouble instauré par les différentes versions et quelques maladresses telles qu’un livret réduit au minimum syndical, réduisent tous les espoirs placés dans cet album à néant. Et pourtant, la qualité musicale est au rendez-vous, portée par les prestations d’un Doc Neeson toujours aussi habité, de la paire des frangins Brewster aux guitares et celle d’une section rythmique sans faille. C’est sur le travail tout en finesse de Brent Eccles et le mur du son créé par un Jim Hilbun sous-estimé que les Brewster Bros. viennent poser leurs riffs à la fois vicieux et efficaces ainsi que quelques solos déchaînés. Quant au chant de Doc Neeson, il est encore unique et inimitable, à la fois émouvant et hystérique, agressif et enjôleur, et toujours à la limite de l’internement psychiatrique.
Difficile également de trouver une faiblesse parmi les 10 titres proposés. Comme à son habitude, le groupe explore différents horizons tout en restant dans les limites d’un rock-hard rock dynamique et finement ciselé. Les influences sont toujours à chercher du côté des Rolling Stones, avec entre autres, un « Sticky Little Bitch » au refrain catchy et à la basse funky et dont l’introduction en distorsion et la rythmique à la limite du tribal doublée de percussions, font penser à « Undercover Of The Night ». Les riffs cinglants à la AC/DC sont présents sur un « Babylon » à l’intro déclamée par Doc Neeson et dont la montée en puissance débouche sur un final déchaîné doublé d’un solo du meilleur acabit. The Angels fait aussi sien l’art du break des frères Young comme sur « Look The Other Way » ou « Razor’s Edge » où les intonations du break de « Jailbreak » ne sont pas loin. Mais ces influences sont parfaitement digérées dans le style du gang des frères Brewster qui n’hésite pas à l’étoffer de nouvelles expériences comme sur le sombre mid-tempo « Underground » au refrain explosif, le boogie-rock de « Front Page News » ou enfin sur « Run For The Shelter » où nos compères offrent un clin d’œil non dissimulé à leurs pôtes de Rose Tattoo à grand coups de slide. Tout juste pourrions-nous regretter le positionnement de « Small Price » en ouverture d’album car, bien que très réussit, ce mid-tempo appuyé au refrain immédiat, ne permet pas de rentrer assez vite dans la folie de nos australiens. Dommage car un des titres précédemment cités aurait pu faire l’affaire, de même que le hard-rock punkisant de « Between The Eyes » ou « Gonna Leave You » avec ses couplets syncopés et son solo cinglant précédé d’un break particulièrement efficace.
Malgré ce très léger défaut, « Two Minutes Warning » est encore un nouvel album incontournable de la discographie complexe de The Angels. Bien qu’ayant souffert d’une certaine malédiction et de quelques maladresses qui l’ont privé d’un succès commercial pourtant mérité, le groupe bénéficie cependant de la reconnaissance de ses pères (Aerosmith, Great White, Guns ‘n’ Roses entre autres) et la réédition de certains albums peut laisser espérer qu’une seconde chance lui sera accordée pour se faire enfin une place au Panthéon des groupes légendaires du hard-rock.