Bravo ! Vous avez fait le bon choix ! En cherchant à vous intéresser à cet album live, vous avez tiré le gros lot ! Car ATTENTION, ce disque est un des dix monuments (nous y reviendrons…) du Hard Rock en public ! Un disque inoubliable, quasiment addictif, un astronomique concentré de mélodies combiné à un fulgurant maelström de puissance !
Cette offrande des cieux qu’est Strangers In The Night clôt la « seconde vie » d’UFO, groupe de Hard Rock britannique, fleuron de la perfide Albion entre 1974 et 1982. Cette « tranche d’existence » commença par l’album Phenomenom (1974) qui marqua lui-même l’achèvement de leur «première vie » anarchico/psychédélique (par la disparité des styles musicaux abordés et le côté délirium tremens d’une partie de leurs œuvres). Nous sommes en 1979, le Made In Japan de Deep Purple a six ans, l’Alive de Kiss quatre, l’All The World’s A Stage de Rush trois, le Live And Dangerous de Thin Lizzy date de l’année passée, comme le Two For The Show de Kansas, le Tokyo Tapes de Scorpions, le Double Live Gonzo de Ted Nugent, l’If You Want Blood, You’ve Got It d’AC/DC et le Live Bootleg d’Aerosmith (quelle année 1978 !), quant au No Sleep Til’ Hammersmith de Mötörhead il sortira deux ans plus tard (…nous y sommes revenus je vous l'avais promis).
Ce petit bijou revisite de manière époustouflante les grands titres des albums Phenomenom, Force It, No Heavy Petting, Lights Out et Obsession. Il est le témoin des concerts donnés à Chicago (Illinois), Youngstown et Cleveland (Ohio) et Louisville (Kentucky) sur la tournée Obsession en 1978.
« Hello Chicago ! Would you please welcome from England U-F-O !!!! »…Ceux qui sont tombés, il y a déjà bien longtemps, raides-dingues de cette galette frissonnent encore aujourd’hui d’entrée en entendant la voix du « chauffeur de salle » annoncer le démarrage du cataclysme musical qui va suivre !
Le riff qui rugit alors, balayant le bavard qui portait encore le micro à sa bouche, fracasse l’assistance en pulvérisant leur espace vital. Natural Thing est un rouleau compresseur, sa rupture au piano et sa mélodie imparables, quant à son lien envoûtant avec Out In The Street, c’est un régal, comme ce morceau progressif enluminé de touches de piano cristallines et d’accords de grattes à pleurer. L’enchaînement avec le tube intégral qu’est Only You Can Rock Me plonge la tête sous l’eau à l’auditoire qui peut chanter sa mélodie magnifique en versant à nouveau une larme. Quand le solo lumineux de Schenker transperce leur sensibilité, il est à genoux. Les anglais en profitent alors pour les renverser dès le quatrième morceau en balançant un Doctor Doctor (que TOUT LE MONDE connaît, mais si, mais si) a-hu-ri-ssant, avec notamment un solo de fou furieux d’entrée du Sckenk !...
Alors l’auditeur se demande ce qui va bien pouvoir le transporter davantage…hé bien Mother Mary et This Kids le malmènent à leur tour avec leurs guitares à dégouter tout adepte de la Flying V et leurs rafales de piano exceptionnelles. Il passe, le petit veinard, les sens à la dérive, du hard au Prog, puis du Rock au Boogie et il en reste pantois, à la merci de Love To Love, pièce purement jouissive de huit minutes où il est bringuebalé d’une émotion à l’autre telle une boule dans un flipper monté sur un grand huit. Ce slow, dont la mélodie tue à petit feu et dont les espaces occupés par les soli de l’allemand ne sont ici que de trompeuses mers de tranquillité, tant ses eaux vous emportent et vous noient, s’achève sur LA plus belle fin que je connaisse d’une chanson de Hard Rock. Au bord du gouffre, vous prenez alors en plein visage, le titre le plus rentre-dedans du disque. Lights Out fait imploser vos fusibles, les murs électriques dressés par le groupe ici, diaboliquement mélodieux, font aujourd’hui partie de la légende du Rock. Ils marquent vos tympans au fer rouge, à vie. Ce n’est pas une figure de style littéraire, c’est juré, c’est la plus pure vérité.
Les onze minutes de Rock Bottom qui s’étendent ensuite, montrent aux amateurs de Prog ce que les Hard Rockers peuvent en faire, soit une montagne de technicité mélodique. Tout y est, la puissance, le feeling, l’impact mélodique, la diversité, les ruptures, les périodes calmes, les énervées, le génie des claviers, la folie des guitares (oh mon Dieu les guitares !), la richesse de la batterie, la fausse fin, le redémarrage et la voix habitée. Que certains combo de Prog, portés aujourd’hui un peu trop facilement aux nues, se penchent donc sur cette question...
Après cet OVNI majestueux, Too Hot To Handle vous emporte, tel un hymne, dans les bras d’ I’m A Looser qui vous berce langoureusement. Alangui, vous êtes à la merci de Let It Roll. Vous êtes alors enserré et étouffé par des envolées échevelées avant de finir, disloqué, sur un Shoot Shoot qui vous achève et clôt cette œuvre unique.
Voilà, c’est fini ! Face à cette preuve par treize (morceaux) que l’impensable perfection musicale est plausible, nous restons sans voix, hagards et possédés. Vous êtes désormais prévenus, ces «étrangers dans la nuit» ont généré l’irréparable. Vous n’écouterez plus jamais un disque de Hard Rock de la même façon après avoir croisé leur chemin. Le disque ultime je vous dis.