En 2002 sort L'imprudence. A ce moment, Alain Bashung pense en avoir fini avec le monde de la musique. Plus d'albums studio, celui-ci devait être le dernier. Heureusement pour nous, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Sorti le 25 mars 2008, Bleu Pétrole est un album issu de sa collaboration avec des gens comme Gérard Manset et Gaëtan Roussel de Louise Attaque.
Incarnation d'un rock français plutôt dépressif et tourmenté, Bashung nous revient ici avec des paroles soignées qui font réfléchir. Musicalement, les compositions tournent toutes autour d'une simple guitare acoustique. Sa voix inimitable se pose ensuite dessus avec classe. Il est difficile, voire impossible de choisir une ou deux chansons qui ressortiraient plus particulièrement que les autres tant cet album réussi. Que ce soit le morceau Tant de Nuits repris en boucle par les radios ou le plus dépressif Comme un Lego, Bashung s'offre (et surtout nous offre) un album quasi-irréprochable.
Alors que les albums précédents étaient décrits par l'artiste comme plus personnels, Bleu Pétrole se démarque en se laissant aller à des compositions plus libres, détachées de la personnalité de l'interprète. L'ensemble reste évidemment un exercice de style très soigné. Sur Résidents de la République, composé par Gaëtan Roussel, Bashung se laisse aller à des constatations plus politiques. Lorsqu'il écrit "Un jour je te parlerai moins, peut-être le jour où tu ne me parleras plus ... Résidents, résidents de la République, où le rose a des reflets bleus...", il ne faut pas être grand clerc pour décrypter le message qu'il veut faire passer. Musicalement, la voix est impeccablement soutenue par la guitare acoustique et un clavier en arrière-plan.
Morceau le plus long de l'album (9 minutes), Comme un Lego est également un puits de métaphores et d'images pas franchement rigolotes. "Comme un lego avec du vent ... comme un lego avec des dents ... comme un lego avec des mains ... comme un lego... mais sans mémoire". Se livrer à une analyse de poésie dans une chronique est dangereux, mais MW ne recule devant rien. Bashung décrit le monde tel qu'il le voit, tel qu'il le ressent. Ca n'est qu'un grand terrain de nulle part où des êtres vivants voient le monde comme des insectes sur le dos. Ils s'agitent, ils caracolent derrière leur vie sans profiter du moment présent. Et puis un jour, ce sera trop tard.
Dans un style encore différent, Bashung nous livre Je tuerai la pianiste, morceau plus rock signés par les trois artistes. La seule éventuelle faute de goût qu'il est possible de pointer sur cet album, c'est le Il voyage en solitaire, reprise du succès de 1974 de l'homme de l'ombre qu'est Gérard Manset. D'ailleurs, fait-il toujours de la musique Gérard ? Certes, il ne se présente plus à la TV et ne se laisse photographier que de dos... mais il est toujours bien là (à en juger par le 18ème album studio sorti en 2006). Le piano de la version originale collait mieux avec les paroles que la guitare utilisée sur l'album de Bashung.
"J'ai des doutes, est-ce que vous en avez ?" chante-t-il sur Le Secret des Banquises. Non Mr. Bashung, aucun. Il n'y a pas de doute possible sur la qualité de cet album rafraîchissant, intimiste et émouvant. Tous les barils du monde ne pourraient remplacer ce Bleu Pétrole. D'ailleurs, je vais tout de suite refaire le plein... Et vous devriez faire de même.