Pas de nouvelles de Thieve's Kitchen depuis 2003 et je vais etre honnête avec vous, ça ne me manquait pas. Leur précédent opus, Shibboleth, m'avait charmé le temps de deux écoutes avant de tomber dans la catégorie des souvenirs lointains, de ceux qui vous font dire : "Thieve's Kitchen ? Ah oui, j'ai dû en parler il fût un temps sur Music Waves..." mais sans vous permettre de détailler plus.
Le nouvel album est arrivé le mois dernier et il est tombé dans mon escarcelle sans que j'en éprouve ni excitation ni ennui.
Les premières notes laissent l'auditeur se placer en condition grâce à un piano de très bonne facture et extrêmement inspiré. Je ne vous l'ai pas dit mais Thieve's Kitchen a opéré un unique changement entre ces deux albums, à savoir celui de son clavier, un certain Thomas Johnson qui se nourrit autant à King Crimson qu'à Miles Davis et Igor Stravinsky. L'entrée du petit nouveau est du plus bel effet, entre mélancolie et harmonies typiques du jazz.
Une entrée rythmique, quelques notes de violoncelle, quelques cassures et soli de guitare plus tard et voila l'entrée en scène de la chanteuse qui, à mon humble avis, a passé une partie de ces quatre dernières années à parfaire son organe vocal qui sied parfaitement au style Thieve's Kitchen. Pas de virtuosité dans la voix, certes, mais une mission extrêmement bien assurée derrière le micro.
Et cette mise en place va nous proposer d'entrer dans un épique de plus de 20 minutes multipliant les mélodies accrocheuses autant que les breaks inaccessibles méritant des efforts pour les apprivoiser.
Le problème bien souvent, c'est que la montagne de 20 minutes qui ouvre un album et provoque l'admiration de tout un chacun a tendance à accoucher d'une souris sur le reste de l'album.
Eh bien là, c'est loin d'être le cas car les pépites existent réellement tout au long de cette galette, tel un "Chameleon" porté par une mélodie qui paraîtra peut-être un peu naïve à la première écoute mais cache une myriade de trouvailles rythmiques et mélodiques, en particulier dans l'accompagnement du clavier qui, vous l'aurez compris, n'en finit pas de me séduire.
Enfin, pour ne rien gâcher, il y a des coups de génie dans cet album : l'alternance entre le calme et le délire folklorique de "Returglas" ; le travail très court sur les voix en début de "Om Tare" et deux morceaux qui me marquent plus que les autres par leur qualité constante : "When The Moon Is In The River Of Heaven" et le morceau éponyme qui clôt cet album.
Remarquons également une utilisation marquée mais très à-propos du saxophone et on a là un bel exemple d'album inspiré qui, à la différence de son prédécesseur, reviendra régulièrement sur ma platine.
Alors je vois d'ici les esprits chagrins qui ont déjà lu la note penser que je suis bien sévère en comparaison des éloges que je fais à ce "The Water Road".
La raison en est simple ; cet album souffre d'un défaut majeur à mes yeux et qui ne demanderait pas grand chose pour être corrigé. Dans le style de compositions opté par Thieve's Kitchen, les choix d'interprétation et de production sont essentiels et c'est là que quelque chose me gêne. Je pense qu'une guitare moins agressive dans ses sonorités et une batterie un peu plus "souple" aurait réellement permis à cet opus de prendre une dimension encore supérieure.
C'est un avis certes subjectif mais j'attendrai cette fois avec intérêt le prochain album, en espérant que ces derniers défauts soient gommés.