Après un "Dogman" grunge et dévastateur, vers quelle direction allait donc aller King’s X pour son septième album nommé "Ear Candy" ? Il faut savoir qu'à cette époque, les texans sont dans une situation charnière car cet album sera le dernier avec la maison de disque Atlantic et le groupe n’a toujours pas véritablement trouvé son public. En effet, bien que la tournée suivant la sortie de "Dogman" ait été un succès aux Etats-Unis (avec une participation à l’édition Woodstock’94), les ventes, elles, n’ont jamais vraiment décollé. C’est peut-être ce qui a achevé de convaincre King’s X de tempérer sa musique au profit d’un rock moins lourd.
Il est avéré que, depuis "Dogman", le son de King’s X a véritablement changé, la page Sam Taylor étant tournée. Le trio s’est concentré des compositions plus simplistes et un son plus brut laissant de côté les effets et les guitares chorusées. "Ear Candy" représente la parfaite synthèse de cette transformation avec des chansons très mélodieuses et directes portées par une production limpide.
Oubliées les saturations abrasives et le chant torturé de "Dogman", King’s X touche l’auditeur au plus profond avec une inspiration à son acmé. A travers des mid-tempo puissant (« A Box », « The Train » ou « Fathers ») ou des morceaux plus enlevés (« Looking For Love », « Run »), les américains nous prouvent que s’ils ont atténués leur incandescence passée, ils n’ont pas renoncé au rock pour autant.
Doug Pinnick est encore une fois magistral au chant (« Looking For Love »), même s’il ne s’arrache plus autant qu’il a pu le faire sur "Dogman", et son apport à la basse est très précieux pour donner de la densité quand le morceau se fait plus calme (« Sometime »). Ty Tabor se charge du chant dans trois morceaux : « Mississippi Moon », un mid-tempo bien emmené, « Lies In The Sand » la fameuse et traditionnelle ballade toujours très lente estampillée K’s X et le réjouissant « Life Going By ».
Les débuts de morceaux sont, entre autres, un des points forts de King’s X, et Ty Tabor nous balance quelques riffs bien puissant aux intros de « Run » ou « Fathers ». Ses interventions en tant que solistes sont réussies dans la plupart des morceaux, alliant simplicité et mélodies comme avec les soli de « Looking For Love » et « Run », et avec un usage parcimonieux de la Cry Baby (« Sometime ») ou de la sitar (intro de « What’s I’m Gonna Do »).
Nous ne le dirons jamais assez, mais la technique des musiciens de cette formation est prodigieuse, bien que leur musique n’en fasse pas une démonstration ostentatoire. Jerry Gaskill aux baguettes est tout simplement éblouissant de maîtrise et de groove. Lui aussi a trouvé le son de batterie qui lui sied parfaitement entre âpreté des fûts et brillance des cymbales. La fin de l’excellent « Picture » et le rythme presque tribal joué aux tomes sur « What I’m Gonna Do » en sont les exemples parfaits. Jerry Gaskill se permet même de pousser la chansonnette sur « American Cheese », un morceau atypique avec piano (rare chez King’s X) et très inspiré par les Beatles, une des principales influences du trio.
En plus de leur technique instrumentale, les trois américains excellent dans l’harmonie des voix et des chœurs. Véritable marque de fabrique, les refrains a trois voix de King’s X apportent une valeur ajoutée indéniable aux titres. Pris indépendamment, il n’y a que Doug Pinnick qui soit un grand chanteur, mais l’association des trois est très bien dosée et prouve que le groupe est bien maître dans la discipline.
Une fois mis de côté deux titres un peu plus faibles que les autres, "Ear Candy" est une franche réussite. Plus cohérent que "King’s X" et moins froid que "Dogman", "Ear Candy" montre un visage peut être plus sage de King’s X. Il n’y a qu’à comparer les pochettes de ces deux derniers pour s’apercevoir que l’ambiance n’est pas la même (rasage de chevelure et mode jeans-baskets pour le look et environnement coloré et festif) et que les deux ans écoulés entre les deux cds ont profondément marqué les musiciens. Les titres de chansons, ainsi que les textes, viennent appuyer cette impression. Le propos est plus introspectif, presque analytique avec des thèmes comme la famille avec « Father » et « Picture » et le questionnement inévitable sur le sens à donner à sa vie (« What I’m Gonna Do »). Les musiciens de K’s X ont vieilli et leur inspiration se nourri de cette réalité.
"Ear Candy" est un classique de King’s X qui s’écoute d’une traite sans difficulté. Les détracteurs diront que les texans ne sont pas assez audacieux et qu’ils ne prennent pas assez de risque. L’audace viendra plus tard (avec par exemple "Please Come Home…Mr Bulbous") avec plus ou moins de réussite. Les fans, quant à eux, auront une énième occasion de prendre énormément de plaisir avec ce groupe définitivement à part...