Peu de groupes australiens ont échappé à la nécessité d’éditer plusieurs versions de leurs albums du fait de leur éloignement des marchés européens et US. En ce qui concerne AC/DC, cette fatalité n’a duré que le temps de leurs débuts prometteurs. C’est ainsi que les trois premiers albums de nos Australiens favoris se sont retrouvés plus ou moins compilés sur deux disques pour permettre leur conquête mondiale. "Dirty Deeds Done Dirt Cheap" débarque donc dans les bacs après un "High Voltage" de grande qualité, et ceci, trois mois après sa sortie australienne. Les deux versions sont sensiblement différentes, par leurs pochettes, l’ordre et le couplage des titres.
Ainsi, les européens n’ont pas droit à 'R.I.P. (Rock In Peace)' et 'Jailbreak', remplacés par 'Rocker' repêché de "T.N.T." et 'Squealer', un mid-tempo vicieux à explosion à retardement dont les Australiens seront privés. Et de vice, il en est fortement question sur cet album à la fois simple et varié. Le meilleur exemple en est 'Big Balls' où Bon Scott fait preuve d’une sacré dose d’auto-dérision en jouant sur l’ambiguïté du titre. En effet, 'I’ve Got Big Balls' peut tout aussi bien vouloir dire "je donne des grands bals" que… "j’ai des grosses boules". Le chanteur fait ainsi étalage de toute sa maîtrise du double-sens et d’une sacré dose d’humour. Mais Bon Scott sait aussi faire preuve de vulnérabilité sur la ballade bluesy 'Ride On' inspirée par la vie sur la route. L’exercice est assez rare chez AC/DC pour être souligné, d’autant qu’Angus y fait preuve d’une exceptionnelle délicatesse dans son touché avec, entre autre, un solo digne des maîtres du genre. Cependant, pour mettre en valeur les qualités hors normes des deux icônes du groupe, la paire Rudd – Evans abat un travail d’une redoutable efficacité alors que Malcom démontre un sens du riff rythmique qui tient du génie.
Mais revenons-en aux 9 pépites de blues-rock survitaminé qui compose cet album. Si le titre éponyme est un incontournable avec son refrain électrifiant qui donne d’emblée le ton enragé et efficace qui perdurera sur l’ensemble de l’album, 'Love At First Feel' trouve ses racines dans le boogie-rock qui caractérisait l’album précédent et partage cette caractéristique avec 'There’s Gonna Be Some Rockin’ '. Nous avons déjà parlé du cas 'Big Balls', mais il est à signaler son enchaînement avec un 'Rocker' épileptique auquel il ne manque plus qu’un piano pour nous renvoyer au rockabilly sous acide d’un Jerry Lee Lewis. La hargne présente sur ce titre se retrouve également sur un 'Problem Child' particulièrement macho et au riff simple et percutant. Enfin avec le satirique 'Ain’t No Fun (Waiting Round To Be A Millionaire)', AC/DC traduit ses envies de réussite sur un riff dansant et répétitif versant dans l’hypnose et interrompu par un solo des plus nerveux.
Voici donc un deuxième album (ou un troisième selon les éditions…) qui vient confirmer les qualités exposées par "High Voltage". AC/DC ne laisse aucune place au doute : c’est un grand groupe qui compte bien durer dans le temps sans pour autant perdre de sa décoiffante spontanéité. Si la variété de cet album peut lui donner un côté légèrement moins abouti que son prédécesseur, il n’en reste pas moins un incontournable de la discographie des Young Bros. sur lequel il serait inhumain de ne pas taper du pied et remuer la tête. A déguster sans modération !