Après les succès de « One Vice At A Time » et surtout de « Headhunter », en particulier aux Etats-Unis, Krokus, encouragé par Arista s’oriente vers une démarche clairement commerciale. Celle-ci atteindra son apogée (ou touchera le fond selon l’analyse…) avec l’album suivant (« Change Of Address »). Pour cela, nos Suisses mettent le paquet. La production est confiée à Bruce Fairbairn (Bon Jovi, Aerosmith, AC/DC, Loverboy, etc…), le look est « glamisé » et la musique, même si elle reste fortement ancrée dans un hard-rock simple et efficace, fait néanmoins quelques appels du pied à la scène FM US. Il est d’ailleurs à noter la présence de Jimi Jamison, chanteur de Survivor, dans les chœurs de plusieurs titres.
L’histoire ne dit pas si c’est avec l’objectif de gagner en efficacité, mais pour la première fois de sa carrière, Krokus se présente sous la forme d’un quatuor. Toujours emmenés par les deux leaders que sont Marc Storace et Fernando Von Arb, ils recrutent le batteur américain Jeff Klaven, alors que Mark Kohler laisse sa guitare pour prendre la basse. Il retrouvera d’ailleurs son instrument de prédilection sur la tournée qui suivra, la formule ayant rapidement prouvé ses limites, et Andy Tanas sera embauché pour tenir la 4 cordes. Le résultat reste cependant plutôt réussi, même si « Out Of Control » est le seul à perpétuer le style présent sur « Headhunter » avec une double-pédale déchaînée pour propulser un riff rapide et efficace. Le reste de l’album est assez festif. Les riffs sont simples et efficaces (« Out To Lunch ») et les refrains immédiats (« Midnite Maniac »). Certains effets sont également utilisés pour renforcer l’impact de certains titres, comme le faux live de « Ready To Rock » ou bien l’introduction et le break ténébreux de « Rock The Nation ». Enfin, pour étoffer ce registre, Krokus se fend de 2 reprises particulièrement bien senties, à savoir l’entraînant « Boys Nite Out » de Bryan Adams et le déjanté et survitaminé « Ballroom Blitz » de Sweet.
Malgré tous ces efforts, la production est un peu trop aseptisée, ce qui est particulièrement handicapant lorsque le tempo se ralenti. Ainsi, si « Our Love » réussit à décoller avec difficulté, « Hot Stuff » voit son heavy-FM se traîner en longueur malgré un refrain catchy. Ceci ne doit pas faire oublier la performance sans faille des musiciens. Marc Storace réussit à faire oublier l’évidente référence de sa voix avec celle du regretté Bon Scott, en offrant un chant particulièrement varié et émotif. Les riffs et les solos de Fernando Von Arb sont toujours très efficaces à défaut d’être foncièrement originaux. La prédilection de Mark Kohler pour la 6 cordes se ressent dans son interprétation particulièrement dynamique alors que Jeff Klaven est la principale victime de l’aseptisation relevée précédemment. Bien que techniquement irréprochable, sa performance ne fait pas toujours bénéficier les titres de l’énergie nécessaire.
Malgré ces quelques défauts, « The Blitz » reste un album très réussit avec lequel vous passerez un bon moment. Il sera d’ailleurs certifié disque d’or, ce qui reste un indice de qualité certe pas systématique, mais cependant intéressant.