The last sucker n’était donc pas complètement le testament de Ministry… En effet même si il restera le dernier album en tant que tel du groupe, ce dernier a choisi de revenir une toute dernière fois avec un ultime disque de reprises pour accompagner sa tournée d’adieu. Et pour ce faire, Ministry a fait appel à nombre d’invités d’où le nom sous lequel sort ce disque : Ministry and Co-Conspirators. On retrouve ainsi autour du leader charismatique du groupe, Al Jourgensen, la formation de « The Last Sucker » (dont le bassiste Paul Raven nous ayant quitté peu de temps après avoir enregistré ce disque) et des musiciens additionnels comme Burton C Bell (Fear Factory), Casey Chaos (Amen), ou encore Wayne Static (Static X).
Faire un disque de reprises est généralement un exercice risqué car il est souvent révélateur d’une petite panne créative et s’avère être une solution de facilité pour occuper le marché. On se souviendra d’ailleurs avec peine de celui de Queensryche. Mais le cas de Ministry est assez différent. Le groupe a clairement voulu se faire plaisir en adaptant à sa sauce - mais sans les dénaturer - 11 standards dans à peu près tous les genres musicaux et finir ainsi sa carrière en beauté en gâtant ses fans une dernière fois. L’éventail est donc assez large avec un peu de Hard Rock (Deep Purple et Black Sabbath), des titres de Rock (les Stones, ZZ top, les Doors ou Ram Jam), de la Pop et même du Jazz (Louis Armstrong).
Si dans son ensemble, le travail d’appropriation et de restitution est de très bonne facture, quelques titres se détachent de par leur réussite. Ainsi Under my Thumb, repris aux Rollins Stones s’avère parfaitement adapté à la sauce industrielle avec un aspect presque dansant donné par les claviers. Burton C Bell est parfait au chant, certes loin d’un Mick Jagger mais il s’est fort bien adapté au ton choisi. Il y a ensuite les deux chansons les plus proches de l’univers de Ministry, à savoir Space Truckin de Deep Purple et Supernaut de Black Sabbath. La première suit les traces de l’original avec un excellent travail aux claviers et un côté plus speed dans le chant et la batterie. Quant à la seconde, elle est agrémentée d’un discours de l’ennemi juré, Georges Bush, pour un résultat aussi lourd que l’original avec un chant arrangé et très froid. Citons ensuite l’unique tube de Ram Jam qui apparaît ici dans une version sur vitaminée avec des vocaux trafiqués du meilleur effet redonnant une jeunesse à cet antique morceau.
Mais le meilleur est pour la fin avec d’abord le Roadhouse Blues des Doors, sur lequel intervient Casey Chaos, qui se transforme en tuerie ultra heavy et qui devrait cartonner en live tant la transformation est parfaite et adaptée au son Ministry avec un solo incisif et une rythmique qui vous plaque au mur. Puis c'est au tour du superbe "What a wonderful world" de Louis Armstrong, très bel épitaphe pour Ministry, dont les paroles sonnent assez ironiquement quand on connaît le combat du groupe depuis quasiment ses débuts. La reprise commence doucement avant de partir dans un grand délire ultra speed presque punk et complètement jouissif.
« Cover Up » est donc une réussite qui ravira non seulement les fans du groupe mais aussi un public un peu plus large. Car si Ministry pose sa patte indus et violente sur les morceaux, aucun titre n’est massacré, chacun étant même immédiatement reconnaissable. Une fois n’est pas coutume, voilà un groupe qui aura mis un terme à sa carrière en s’amusant. Ministry va nous manquer, mais sa musique risque de résonner encore longtemps dans les mémoires…