C'est désormais resserré autour du duo Rob Reed / Christina Booth (qui pour l'occasion, a enfin récupéré son nom jusque-là omis dans les précédentes productions du groupe) que Magenta nous présente son quatrième album studio – Metamorphosis – , accompagné du seul Chrys Fry en tant que membre permanent. Néanmoins, le groupe est de nouveau bien entouré, et on notera la présence désormais habituelle de Martin Rosser à la guitare, la participation (significative cette fois) de Troy Donockley et ses Uilleann Pipes, ainsi que d'un quintette à cordes.
Après un dernier album oscillant entre une musique flirtant avec la pop sans toutefois renier ses origines (pour la partie Home) et une galette bonus (New-York Suite) franchement progressive et dans la lignée des deux premiers opus du groupe, Magenta a cette fois carrément mis la barre dans la direction des océans progressifs et de ses grands maîtres. Il n'est qu'à jeter un œil sur le livret et la track-list pour se faire une première idée de ce qui nous attend : un bon vieux concept album des familles, avec des titres longs permettant tous les développements possibles.
Le concept justement… pas bien joyeux, il faut le reconnaître, car il tourne autour de la mort au travers de 4 histoires : celle d'un soldat partant à la guerre (The Ballad of Samuel Layne), celle d'un couple assistant à un suicide depuis une falaise (Prekestolen), celle d'un sérial-killer à la double personnalité (Metamorphosis) et enfin, une petite dissertation sur l'espoir d'un ailleurs meilleur après la mort (Blind Faith). Quant au livret accompagnant l'objet, tout en noir et rouge sang, il ne fait que renforcer la thématique lourde de sens de l'album.
Musicalement, le son Magenta reconnaissable entre mille se retrouve dès les premières notes : des claviers 70's, une guitare stridente à la Steve Howe façon "Tales From Topographic Oceans", et la voix de Christina et son timbre qui tour à tour séduit et agace. Mais surtout, après le départ de Dan Fry, on découvre un Rob Reed absolument fabuleux à la basse, avec des lignes techniques au possible, que n'aurait pas reniées un Chris Squire au meilleur de sa forme.
Passé le démarrage un peu abrupt de The Ballad of Samuel Layne, on retrouve très rapidement une musique d'inspiration le plus souvent yessienne, dont la technicité est interrompue régulièrement par des passages d'Uilleann Pipes du plus bel effet. Cette plage va permettre à Magenta de retrouver l'inspiration de son premier album, en déclinant de nombreux thèmes enchaînés les uns aux autres. Quant aux nombreux passages instrumentaux, ils sont une nouvelle fois bluffant d'efficacité, passant d'un prog technique à des envolées néo à la guitare majestueuse, avec même un détour par le métal (une nouveauté chez Magenta). Et que dire des trois dernières minutes du titre, qui montent en puissance en une sorte d'extase musicale, avant de s'évaporer en douceur dans l'enchaînement du sobre et superbe Prekestolen, dans lequel les nouvelles interventions de Troy Donockley vous font monter les larmes aux yeux.
Les 23 minutes de Metamorphosis vont poursuivre dans la même direction sur fond d'influence oldfieldienne (le métallophone façon "Tubular Bells" ainsi qu'un intermède façon "Incantations" en milieu de plage), avec une noirceur encore un peu plus avérée. Amateurs de rythmique syncopée, de progressif intelligent aux multiples rebondissements sans désorienter l'auditeur, ce titre est fait pour vous. Et chaque écoute vous amènera son lot de nouveautés. Une fois passée cette orgie musicale, la dernière plage apparaîtra plutôt simpliste, mais clôture en tout cas l'album de manière fort agréable, comme pour mieux avoir envie de le reprendre au début.
Lors de la chronique de Home, je concluais de la manière suivante : Pour ceux qui en doutaient encore, Magenta confirme qu'il fait bien partie des leaders du mouvement progressif de ce début de millénaire : que cela continue le plus longtemps possible pour notre plus grand bonheur auditif.… C'est désormais chose faite avec ce Metamorphosis, auquel je n'adresserai qu'un (petit) reproche, à savoir un mixage un peu pauvre dans sa version CD-stereo (mais une version DVD-5.1 est disponible…). Alors pour ne pas paraphraser ma conclusion précédente, j'aurais juste un message à envoyer au groupe : MERCI pour ce grand moment de bonheur.