Fondé en 1969, le groupe Renaissance s'est fait remarquer dès son premier et magnifique album par les amateurs de prog symphonique. Après un changement de line-up, les deux albums suivants seront un peu en retrait malgré l'arrivée d'Annie Haslam au chant (et quel chant !!). Mais par la suite Renaissance donnera dans le grandiose avec Ashes Are Burning (1973) et surtout Turn Of The Cards (1974). Puis, en 1975, sort ce Scheherade & Other Stories qui restera, pour les plus progressiens des fans, l'album de référence du groupe.
Ce petit joyau de symphonisme est entièrement porté par la voix ensorcelante d'Annie Haslam et les claviers (surtout le piano) de John Tout. La pièce maîtresse du disque est "Song Of Scheherazade", longue suite de près de 25 minutes, située à l'origine en face B de l'antique vinyle 33 tours. C'est sans doute ce petit opéra symphonique, unique dans la discographie du groupe, qui a définitivement placé Renaissance sur un piédestal au pied duquel se prosterne une foule de fidèles admirateurs au jugement non objectif. L'amour est aveugle, c'est bien connu !!
Mais comment ne pas être amoureux de cette voix magique ? Annie pose ses mots sur la musique avec la délicatesse d'un ange et lorsque sa voix se marie avec celle d'un des ses comparses (Jon Camp ou Michael Dunford) les harmonies sont délicieusement lyriques. Les 9 parties de "Song Of Scheherazade" nous content l'histoire d'un cruel Sultan qui, trahi par une concubine, décide de prendre une femme différente chaque nuit et de la mettre à mort le matin venu. Quand arrive le tour de Schéhérazade, elle trouve le stratagème de narrer à son époux chaque soir une histoire si charmante que la brute se laisse attendrir. Et cela dura mille et une nuits !!
L'histoire est fantastique et l'orchestration est grandiose, et pourtant il n'y a pas vraiment d'ensemble instrumental ici !! Cette grandeur est due au génie de Tony Cox qui a assemblé tous ces sons et ces choeurs accompagnant le piano de John Tout. L'amateur de musique symphonique a de quoi être comblé, l'orchestre est plus vrai que nature. Certains chroniqueurs ont écrit que telle ou telle partie de cette longue pièce est dispensable, je n'adhère pas à cette analyse et j'affirme bien haut que cette composition est un modèle du genre, alternant les passages puissants et les moments plus intimistes avec un réel bonheur !!
Je ne vais pas faire toute ma chronique sur ce seul titre, aussi féérique soit-il, et puisque le reste de l'album n'est constitué que de trois autres compositions, je vais les détailler une par une. La première, "A Trip To The Fair", dure près de 11 minutes avec un passage médian très balancé, limite jazzy, avec un dialogue xylophone-piano fort bien enlevé. La deuxième, "The Vultures Fly High", dont les textes avaient été écrits à l'origine pour Wishbone Ash, est une courte chanson au tempo rapide, mettant encore en vedette le duo piano-voix, dans le plus pur style Renaissance. La dernière, "Ocean Gypsy", qui fut excellemment reprise par Blackmore's Night sur l'album "Shadow Of The Moon", est une magnifique ballade de 7 minutes où la voix d'Annie Haslam est, une fois encore, le plus joli des moyens d'atteindre le nirvana.
Ça fait 33 ans que Scheherade & Other Stories me fait frissonner et, si vous ne le connaissez pas encore, je ne peux que vous encourager à vous le procurer toute affaire cessante !!